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Voici quelques-uns des prix acceptés d’avance par l’humble artiste qui s’engageait à livrer à Gaignières « des ouvrages bien proprement et dûment faits[1] : »


« Les armes croquées à l’encre, 1 liard la pièce.

« Toutes les armes dessinées et enluminées et un carré à double trait au-dessous, pour écrire, 1 sol la pièce.

« Toutes les tombes et épitaphes… y compris les tombeaux coloriés, 5 sols la pièce.

« Les grandes modes en miniatures sur vélin avec de bonnes couleurs, or et argent fins, le vélin compris, 39 sols.

« Les pièces historiques en miniature, de même le vélin compris, 50 sols, etc. »


En outre le sieur Boudan, — tel est le nom du dessinateur signataire de l’acte, — devait être exonéré de tous frais de logement par Gaignières, qui s’obligeait envers lui dans les termes suivans : « je promets au sieur Boudan de le loger dans ma maison tant et si longtemps qu’il travaillera pour moi, sans lui rien demander…, et prétends, s’il mésarrive de moi, c’est-à-dire après ma mort, qu’il lui soit payé la somme de 300 livres pour reconnaissance de ses peines. »

On le voit, la disproportion était grande entre l’exiguïté des moyens dont on disposait de part et d’autre et l’ampleur des projets qu’il s’agissait de réaliser : projets bien vastes en effet, car ils n’allaient pas à moins qu’à la constitution d’un inventaire complet, — soit en recueillant les monumens originaux eux-mêmes, soit en se les appropriant par des copies, — de toutes les œuvres pittoresques relatives à « l’histoire de la monarchie française, » ou, comme on dirait aujourd’hui, à l’histoire de la civilisation et des mœurs de la France. Images de faits militaires ou politiques, de personnages appartenant aux diverses classes, d’édifices successivement construits sur notre sol, de cérémonies religieuses ou de fêtes, d’objets mobiliers ou de costumes, — tout ce que le pinceau, le crayon, le burin, pouvaient fournir de renseignemens authentiques en matière d’archéologie nationale, tout cela, dans la collection de Gaignières, avait sa raison d’être et sa place, sans compter les manuscrits et les livres, qui pourtant n’y figuraient pas en moins grand nombre que les tableaux, les estampes ou les dessins.

Jamais en France un simple particulier ne s’était acquitté d’une pareille tâche et ne s’était même avisé de l’entreprendre ; jamais avant Gaignières on n’avait songé à exécuter un plan aussi large avec des ressources personnelles aussi restreintes et dans un délai aussi court. Il fallait tout le courage que donne la foi ou, si l’on

  1. Bibliothèque nationale, département des manuscrits. Mélanges de Clairambault, n° 436.