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core être réalisées, désormais le persévérant voyageur ne doute plus de la possibilité du succès. Éloigné de son pays, de sa famille, de ses amis depuis cinq ans, il revient en France, se procure des instrumens, s’assure de tous les sujets qui méritent un examen attentif, et, vers la fin de l’année 1867, il se remet en route. Avec la connaissance acquise des localités, avec les relations qu’il a nouées, il pense avoir des facilités particulières pour traverser l’île en remontant la rivière d’Anoulahine ; il commencera donc par aller revoir le roi Lahimerisa, qui l’a traité en ami. Un autre motif engageait notre compatriote à visiter de nouveau les contrées qu’il avait parcourues : des notes et des collections provenant des deux précédens voyages avaient été perdues dans un incendie. Arrivé à Bourbon, il faut attendre le départ d’un bâtiment pour la côte occidentale de Madagascar ; mais, comme dédommagement d’un retard pénible, l’explorateur aura la bonne fortune de retrouver le navire qui l’a porté une première fois sur les rivages de la Grande-Terre. Avant de se rendre à la baie de Saint-Augustin, le navire touche à Yaviboule, sur la côte orientale, au nord du fort Dauphin ; c’est l’occasion de faire une reconnaissance de la partie du littoral la plus fréquentée par nos anciens colons, et de rectifier à l’aide d’observations méridiennes des erreurs commises sur les cartes relativement à la place de plusieurs rivières. D’Yaviboule, le navire allait directement à la baie de Saint-Augustin, et M. Grandidier abordait à Tulléar le 20 juin 1868. Attachons-nous maintenant aux pas du voyageur. Ne songeons pas à le plaindre au sujet des ennuis qu’il a éprouvés, des obstacles qui à certaines heures l’ont désolé sans le rebuter, des fatigues qu’il a subies, de la fièvre dont il a souffert, des périls auxquels il a échappé ; il va nous instruire de ce que nous ignorions tous encore sur cette terre, qu’un jour, par un sentiment d’orgueil, on voulut appeler la France orientale ; c’est beaucoup d’honneur pour lui, et, quand l’honneur est acquis, on ne compte plus la peine.

Jeté à l’endroit préféré comme centre de ses premières opérations, le voyageur s’aperçoit qu’il n’a pas été oublié des Sakalaves : sa réputation est faite ; aux yeux de la plupart des Malgaches, un homme qui manie des instrumens et regarde les étoiles, qui récolte des plantes et emporte des peaux d’animaux, ne peut être qu’un sorcier fort dangereux, et les sorciers, on les tue. Par bonheur, il y a des accommodemens possibles ; la générosité est toujours un signe probable d’innocence. Notre compatriote, déjà familiarisé avec les mœurs, le genre de vie, les superstitions du misérable peuple sakalave, s’attache tout de suite à gagner la faveur des grands. Sa première visite est pour le roi Lahimerisa, qui règne sur le pays de Fihérénane. Il le comble de cadeaux ; charmé, le souverain n’hésite plus