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lac Héoutri, et l’on assure que les Sakalaves y pèchent les mêmes poissons que dans la nier. Presque partout le littoral est salubre ; l’exception se manifeste seulement près des côtes où croissent en abondance des palétuviers, comme par exemple au voisinage de la ville de Saint-Augustin. Sur toute cette bande occidentale de la grande île africaine, la flore et la faune, vraiment pauvres, ont un caractère propre ; c’est ainsi que dans ces régions déshéritées le voyageur a pu faire de très intéressantes découvertes pour l’histoire naturelle. Dans les bois des environs de Mouroundava, il a rencontré le fameux chat aux pattes d’ours dont nous avons parlé, un étrange sanglier d’espèce jusqu’alors inconnue, appartenant au type du sanglier à masque du Cap de Bonne-Espérance, mais de taille plus petite[1], et d’autres mammifères, différens oiseaux, des reptiles que jamais on n’a vus soit dans les belles forêts de la côte orientale, soit au fond des baies magnifiques du nord de la Grande-Terre.

De nos jours, on a beaucoup parlé des Ovas et des habitans de la côte orientale, à peine des habitans du sud et du sud-ouest ; M. Grandidier n’a point parcouru une énorme étendue de pays sans observer les peuplades curieuses et peu sympathiques qui l’occupent : après les Antandrouïs, les Mahafales, dont le territoire est compris entre la pointe Barlow et la rivière d’Anoulahine, les Sakalaves, répandus depuis cette rivière jusqu’au cap d’Ambre. Autrefois gouvernés par un seul roi, les Mahafales composent maintenant trois groupes. Les Sakalaves se partagent en nombreuses tribus : celles du sud, encore indépendantes ; celles du nord, pour la plupart aujourd’hui soumises à l’autorité des Ovas. Chez les peuplades indépendantes, le roi exerce un pouvoir absolu ; maître de la vie et des biens de ses sujets, il agit suivant son humeur ou son inspiration ; aucune loi n’est en usage, aucune coutume traditionnelle n’est respectée. Souvent les affaires se traitent dans les assemblées des hommes libres, les kabars : les chefs décident, mais ils ne sont guère obéis ; chacun entend se faire justice lui-même. Libre ou esclave, le Sakalave ne marche qu’armé de la lance ou du mousquet chargé ; les assassinats sont chose ordinaire, et ils restent impunis jusqu’au jour où un parent de la victime tire vengeance sur le meurtrier ou sur un membre de sa famille. De tout temps signalés comme des gens cruels, cupides, adonnés aux plus grossières superstitions, comme d’audacieux voleurs, les Mahafales et les Sakalaves n’ont pas été améliorés par des relations plus fré-

  1. Potamochœrus Edwardsii, décrit par M. Grandidier. — On peut voir encore en ce moment ce curieux mammifère vivant à la ménagerie du Jardin des Plantes.