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peuples barbares par une tradition séculaire qu’aucune impulsion extérieure n’est venue troubler.

Pourquoi ne pas appliquer le même raisonnement aux faits que nous présente le règne animal ? Les procédés de nidification sont déterminés par les circonstances physiques aussi bien que par la conformation de l’oiseau et par les outils dont la nature l’a doué ; on les voit se modifier avec les conditions extérieures. Une altération du climat, un changement sensible dans la végétation de la contrée, l’introduction de nouveaux ennemis, donnent lieu à des variations architecturales plus ou moins marquées. Beaucoup d’oiseaux préfèrent les bouts de fil qu’ils ramassent dans les rues aux fibres végétales qu’ils employaient autrefois ; ils nichent volontiers dans les boîtes ou les gourdes vides qu’on dispose pour les recevoir, et qui leur épargnent une partie de leur travail. Le moineau commun sait parfaitement se conformer aux circonstances : il se donne beaucoup moins de peine lorsqu’il peut profiter d’un trou dans un mur que lorsqu’il est obligé de bâtir à ciel ouvert sur une branche d’arbre, où il faut un nid solidement construit et bien couvert. Le xanthorius varius des États-Unis fait un nid presque plat lorsqu’il peut l’asseoir sur des branches fortes et raides ; il le fait beaucoup plus profond lorsqu’il lui faut le suspendre aux branches minces d’un saule pleureur, où le vent peut le secouer et en faire tomber les petits. Enfin M. J.-A Pouchet a publié en 1870 des observations très curieuses sur le perfectionnement progressif des nids de l’hirondelle de fenêtres. Il conservait depuis quarante ans au musée de Rouen des nids d’hirondelles qu’il avait lui-même détachés des vieilles maisons de la ville ; s’étant procuré un jour des nids nouveaux, il fut tout surpris, en les comparant avec les anciens, de constater des différences notables. Les nids modifiés provenaient d’un quartier neuf, et il se trouva que tous ceux qui existaient dans les rues neuves avaient la même forme ; mais en examinant les églises et d’autres bâtimens anciens, ainsi que les rochers habités par les hirondelles, M. Pouchet trouva beaucoup de nids du type ancien avec quelques autres du nouveau modèle. Les dessins et les descriptions des anciens naturalistes ne connaissent que le type primitif, qui est un quart d’hémisphère, avec un orifice circulaire très petit. Le nid moderne au contraire est plus large que haut ; c’est un segment de sphéroïde aplati, et l’ouverture est très large. On y reconnaît un progrès évident, car le type nouveau est plus spacieux, plus confortable. Le fond élargi laisse aux petits plus de liberté de mouvement qu’ils n’en avaient dans l’ancien nid étroit et profond : l’ouverture plus grande leur permet de regarder au dehors et de prendre l’air ; c’est presque un balcon, et deux petits peuvent s’y tenir sans gêner le passage des parens. Ce n’est pas tout : placée plus près du sommet, l’ouverture est moins exposée à la pluie et au vent. Un seul exemple de ce