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Les ingénieurs allemands, qui, dit-on, en avaient étudié le tracé bien avant la guerre, s’y mirent dès le 16 août après la bataille de Gravelotte. La pose des rails fut achevée vers la fin de septembre ; mais la voie était si défectueuse qu’une locomotive remorquait trois ou quatre wagons au plus. Ce chemin servait donc très peu. Le 30 octobre, une crue enleva l’estacade en charpente sur laquelle il franchissait la Moselle près de Pont-à-Mousson. La capitulation de Metz, survenue le même jour, rendait inutile cet embranchement, dont les travaux provisoires ont été soigneusement détruits par l’excellent motif que l’Allemagne, maîtresse de Metz, ne voulait pas laisser subsister une voie de communication qui annulerait en partie les avantages stratégiques de cette grande forteresse.

Il n’est pas superflu de dire ici quelques mots de la dynamite, substance explosive terrible dont l’existence était presque inconnue en France avant ces derniers événemens, bien qu’il y en eût déjà plusieurs fabriques au-delà du Rhin. On connaît depuis longtemps déjà la nitroglycérine, qui détone avec une extrême violence, et produit des effets de dislocation extraordinaires sous l’influence d’un choc ou d’une brusque élévation de température. C’est l’une des nombreuses combinaisons éthérées que les créateurs de la chimie organique moderne ont découvertes. On l’a beaucoup employée dans les travaux de mines, où elle présente de grands avantages, parce qu’elle s’insinue à l’état liquide dans les fissures des rochers. Elle éclate sous l’eau, et produit, même sans bourrage, des effets énergiques ; mais le transport en est très dangereux, car elle détone au moindre choc. Que le flacon qui la renferme tombe à terre, elle fait explosion aussitôt. Pour éviter l’excès de sensibilité de cette substance, on imagina de la mélanger avec une matière inerte, la silice poreuse, ce qui lui donne la consistance d’une poudre pâteuse que l’on manie sans danger. Sous cette forme, on l’appelle dynamite. Elle ne fait plus explosion que sous un choc très violent ; elle supporte même sans altération la chaleur d’un foyer et ne détone qu’au moyen d’une capsule fulminante ou d’une étincelle électrique. La dynamite est huit fois plus puissante que la poudre ordinaire. On comprend dès lors combien elle peut être utile à la guerre pour détruire un mur, un viaduc ou un tunnel. Ainsi un saucisson de toile rempli de dynamite que l’on enroule autour d’un arbre et que l’on enflamme coupe le tronc instantanément. Placée sur un pont de chemin de fer et recouverte de ballast, elle renverse la voûte. Un tel engin de destruction est épouvantable ; mais, puisqu’il existe, il faut savoir s’en servir. S’il y en avait eu en France des approvisionnemens suffisans et que les officiers du génie militaire eussent appris à l’employer, ils auraient été capables d’entraver d’une manière sérieuse la circulation des trains allemands sur les chemins de fer des départemens envahis. La