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passions, qui tâchait de les contenir, et qui s’efforçait, selon le mot du duc de Richelieu, président du conseil, de gouverner « pour eux, sans eux et malgré eux. » M. Decazes était dans ce ministère modéré, qui avait fort à faire pour contenir les royalistes de la chambre. M. Pasquier, celui qui a laissé son nom et son titre à M. le duc d’Audiffret, appuyait le gouvernement. Le duc de Broglie, qui entrait alors, à la chambre des pairs, était dans cette élite d’esprits libéraux et modérés. Louis XVIII lui-même était l’inspirateur et le guide de cette politique de modération habile. Le parti royaliste de la chambre trouvait que M. de Richelieu, M. Decazes et Louis XVIII lui-même perdaient tout, qu’ils conduisaient la France à un nouveau cataclysme révolutionnaire. Ils étaient plus conservateurs que le gouvernement, et, chose étrange, ces royalistes réclamaient, eux aussi, la responsabilité, ministérielle, même toutes les libertés parlementaires. C’est de là justement que naissait le livre de Chateaubriand sur la Monarchie selon la charte, théorie des revendications parlementaires des royalistes de la chambre.

Ils revendiquaient la responsabilité ministérielle, c’était tout simple ; ils avaient la théorie de leur situation, selon le mot de M. Guizot. Ils voulaient tout simplement se servir de cette arme pour renverser le cabinet du duc de Richelieu, et pour imposer au roi un ministre représentant la majorité. Eux aussi, ils prétendaient constituer un « gouvernement de combat. », La diplomatie étrangère cependant suivait toutes ces péripéties d’un œil attentif et inquiet. Elle n’était nullement favorable aux agitateurs de la chambre. Elle démêlait parfaitement que cette majorité de l’assemblée n’était qu’une minorité dans le pays, et l’un des membres de cette diplomatie écrivait, en prévoyant un succès possible de la majorité qui conduirait, à la formation d’un ministère de la droite : « Une telle administration ne durera pas un mois ; mais en attendant qu’elle tombe elle aura agité le pays et rendu impossible l’accomplissement des engagemens pris par la France envers les puissances étrangères… » Qui peut dire que la même chose ne serait pas arrivée aujourd’hui ? Mais Louis XVIII avait une ressource, il avait le droit de dissolution. L’ordonnance de 1816. frappait la chambre, et une majorité nouvelle sortait des élections. Aujourd’hui ce moyen de dénouer une crise n’appartient à personne. L’assemblée seule a le droit de se dissoudre ou de se maintenir. Que la droite se souvienne cependant que la meilleure garantie de sa durée, c’est la modération, et les chefs qui la conduisent peuvent certes relire avec fruit ces mots que le duc de Richelieu écrivait avant la dissolution de la chambre en 1816 : « Si je pouvais être sûr de l’union de la chambre et du ministère, dès à présent on diminuerait de 30,000 hommes l’armée d’occupation ; mais on veut attendre le résultat des premières séances, Bien sûrement tout