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parlerait pas autrement aux sous-préfets du royaume. Telle est la situation de la Turquie, qu’elle voit sans se plaindre l’étranger mêlé à ses affaires intérieures. Si de pareilles prescriptions étaient exécutées scrupuleusement, les écoles si nombreuses de l’empire ottoman seraient dirigées, en moins de deux ans, par un ministre du roi George. Cette circulaire n’aura pas des résultats aussi importans ; elle trace du moins un programme que l’initiative privée réalisera en partie.


III

Comme on le voit, les principales forces de la cause hellénique en Turquie sont aujourd’hui la constitution de l’église orthodoxe, le caractère de la race, le goût qu’elle montre pour l’instruction, enfin l’existence même du royaume de Grèce. Il s’en faut toutefois que les maux dont souffre l’hellénisme soient sans gravité. La dignité de l’évêque est souvent compromise par des préoccupations d’argent auxquelles il ne peut se soustraire. L’usage est qu’il paie au patriarcat le jour de son investiture une somme qui varie de 3,000 à 20,000 francs ; il lui doit chaque année des redevances considérables. Le budget publié par le Phanar en 1867 porte à 6 millions de piastres les sommes payées annuellement par les 117 évêchés de l’empire turc. Le métropolitain a de plus une clientèle et des parens qui vivent des biens ecclésiastiques ; il devient d’ordinaire un percepteur d’impôts qui donne beaucoup de temps à la rentrée de ses revenus ; il va les recueillir lui-même, souvent aussi il recourt à l’autorité musulmane, qui lui prête volontiers des soldats et enchaîne ainsi son indépendance. Il est très peu d’affaires qui ne se terminent par un déboursé d’argent de la part des fidèles qui ont eu recours à lui ; il se fait payer pour les divorces, pour les héritages, pour tous les arrêts en matière civile ; l’excommunication du prêtre ou du laïque se rachète à prix d’argent ; l’amende est la seule peine que l’évêque inflige. Il est bien évident que, ne recevant rien de l’état, l’église doit vivre par les fidèles. Beaucoup d’abus qui nous choquent ont eu pour origine la nécessité. Ainsi le pope achète sa cure, c’est-à-dire que le titulaire d’une église doit participer pour une somme fixe à l’entretien d’un siège métropolitain, s’engager à une redevance. Ainsi il est naturel que chaque diocèse donne au trône patriarcal une partie des impôts qu’il perçoit. L’abus s’est produit le jour où ces préoccupations l’ont emporté sur le souci du progrès moral. Toutefois ces défauts n’ont vraiment de conséquences funestes que dans les pays où la race n’est pas grecque, et ici nous touchons à un des plus grands dangers qui menacent l’hellénisme.