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hippocratique. Il serait utile, avant que ces pratiques ne disparaissent tout à fait, de les décrire scientifiquement, on y trouverait des usages qui remontent à la plus haute antiquité.

Le budget de la province porte les recettes à 12 millions de francs. La statistique officielle nous rend le grand service de ramener les impôts perçus en Turquie à une classification simple. Il est rare qu’un étranger, même avec de grands efforts, puisse comprendre le système financier, en apparence compliqué, de l’empire ottoman. Je trouve vingt-deux taxes différentes dans un rapport consulaire ; le Salinameh ne donne que cinq espèces d’impôts, le verghi, taxe foncière, le bédélié payé par les chrétiens comme compensation du service militaire, auquel ils ne sont pas astreints, les dîmes, les droits sur les bestiaux, et enfin les contributions indirectes. Le verghi est fixé à Constantinople pour chaque province ; le conseil administratif de Janina divise ensuite la somme que l’Épire doit payer en cinq parties qui correspondent chacune à l’un des sandjaks, puis en autant de groupes que l’on compte de casas ou districts. Ce système diffère peu de celui qui est suivi dans la plus grande partie de l’Europe. Le contingent de l’Épire pour l’impôt foncier est de 2 millions de francs. Le témétou, qu’on joint d’ordinaire au verghi, est payé par toute industrie à raison de 4 piastres pour 1,000 piastres de revenu. L’impôt militaire est de 4 fr. 60 c. par tête pour chaque famille chrétienne ; il donne dans cette province un peu plus de 1 million de francs. Les hommes de douze à soixante ans seuls y sont soumis. Leur nombre doit être d’environ 220,000, chiffre qui s’accorde avec ceux que nous avons adoptés, et qui contredisent les évaluations, à notre sens trop peu élevées, de M. Stuart. Les dîmes sont vendues annuellement au prix de 5 millions. Toutes les autres taxes réunies ne produisent guère plus de 3 millions de francs. On voit que l’impôt en Épire donne une proportion de 17 francs par tête. Ce n’est pas l’exagération des taxes qui provoque les plaintes des raïas, c’est la manière dont elles sont perçues dans un pays qui n’a pas de cadastre, qui pratique le déplorable système des fermes, où le contribuable n’a nulle garantie contre l’arbitraire ou le caprice.

L’argent recueilli dans la province sert en partie à payer les fonctionnaires turcs ; le reste est envoyé à Constantinople. La Porte dépense moins de 4 millions de francs dans un vilayet où elle touche 12 millions, encore sur le total de la dépense faut-il compter 2 millions 1/2 pour les traitemens des hauts dignitaires. Le vali reçoit 108,000 francs par année, les cadis et les administrateurs de sandjak touchent chacun 36,000 fr., le chef des finances 24,000, le directeur de la douane et celui de la correspondance 18,000 francs.