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rapport de M. Stuart, publié dans l’enquête ordonnée par la Grande-Bretagne, sur l’état des classes laborieuses[1], plusieurs études de M. de Gubernatis dans le Bulletino consolare du royaume d’Italie, les archives du consulat de France à Janina, enfin les monographies locales, surtout celles qu’avait commencées M. Aravantinos et que sa mort vient d’interrompre, permettent de corriger les chiffres donnés par la Porte.

La superficie du vilayet est de 45,000 kilomètres carrés, la population de 718,000 âmes, ce qui donne en moyenne 17 habitans par kilomètre. La province est divisée en cinq sandjaks, ceux de Janina, de Prévésa, d’Argyro-Castro, de Bérat et de Trikala ou de Thessalie. Il est difficile de savoir quel est le nombre des Turcs ; on l’évalue à 10 ou 11,000 seulement ; par contre, le Salinameh indique 251,000 musulmans, chiffre qui peut être considéré comme certain. Ces mahométans étaient autrefois chrétiens et appartiennent à la race des Chkipétars. Les Albanais d’Épire n’avaient été convertis à la religion grecque qu’imparfaitement, ils ont accepté la croyance nouvelle sans difficulté. La faute de ce changement est au patriarcat de Constantinople, dont la propagande n’avait été ni assez suivie ni assez sérieuse. Ces chrétiens devenus musulmans suivent dans les villes les préceptes du Coran, et même doivent à leur médiocre culture une rigueur intolérante ; dans les campagnes, la foi à l’islamisme est souvent aussi incertaine que dans le pachalikat de Scutari. Les Albanais représentent les 67 centièmes de la population totale du vilayet. Ils sont surtout groupés au nord dans les provinces de Bérat et d’Argyro-Castro ; on n’en trouve plus que 25,000 dans la circonscription de Prévésa. L’élément grec domine donc au sud. La Thessalie est grecque presque tout entière. Si dans le sandjak de Janina le recensement ne donne que 29,000 Grecs, les Albanais hellénisés y forment une masse considérable. Il faut ajouter à ces différentes races 43,000 Valaques, qui habitent surtout les districts de Malakas et d’Aspro-Potamos. Quant aux Slaves, M. Stuart et M. de Gubernatis en portent le chiffre l’un à 18,000, l’autre à 20,000, en admettant qu’ils ont peuplé autrefois le canton de Zagori ; mais cette partie de l’Épire, si elle a été habitée par ce peuple au moyen âge, conserve aujourd’hui de si vieilles traditions grecques qu’on ne peut guère admettre l’influence durable de cette invasion. Le pays de Zagori a une culture tout hellénique ; on y retrouve en particulier ces corporations de médecins, célèbres dans la Turquie d’Europe, qui conservent encore les vieilles formules de l’école

  1. Further reports respecting the condition or the industrial classes and the purchase power of money in foreign countries, London 1871.