Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/649

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

laquelle l’armée opéra la délivrance du centre de Paris. Sans doute tout danger n’était pas absolument écarté pour cela. Refoulés dans les quartiers qui avoisinent le cimetière de l’Est, les insurgés n’avaient pas éteint leur feu, et les projectiles qu’ils lançaient encore atteignirent à plusieurs reprises les bâtimens de la Bibliothèque. Deux obus, qui heureusement ne brisèrent que quelques pierres, vinrent se loger dans le mur de la galerie des estampes parallèle au jardin et à la rue Vivienne, d’autres endommagèrent plus ou moins les toitures ; mais qu’étaient ces accidens partiels auprès du vide immense qu’eût laissé, du malheur universel qu’eût entraîné la ruine de l’ensemble, c’est-à-dire des collections les plus vastes et les plus riches qui existent dans le monde entier ? Puisque, après les deux épreuves qu’elle a coup sur coup traversées, tout s’est borné pour la Bibliothèque à quelques dégâts extérieurs, puisque, malgré le siège et les événemens qui ont suivi, la France et le monde n’ont rien perdu des trésors qu’elle renfermait et où chacun peut revenir puiser, ne faut-il pas bien plutôt remercier le ciel que se complaire dans l’amertume des souvenirs, et, comme nous le disions1 en commençant, oublier, s’il se peut, les inquiétudes passées pour tenir compte surtout des résultats présens, des biens si heureusement reconquis ? Nous n’ajouterons plus que quelques mots.

En suivant jusqu’à l’époque où nous sommes l’histoire du département des estampes, nous avons dû dans une certaine mesure l’associer à celle de la Bibliothèque elle-même et parfois les fondre presque l’une avec l’autre, pour simplifier d’autant le récit. L’étroite connexité qui subsiste depuis le XVIIe siècle entre les divers services installés à la Bibliothèque explique et excuserait au besoin ce procédé de narration ; mais n’y a-t-il dans les faits mêmes qui en autorisaient l’emploi, n’y a-t-il dans l’organisation présente de l’établissement auquel le département des estampes appartient que la continuation d’une habitude, que la forme ou le souvenir d’une tradition ? Faut-il donner raison à ceux qui pensent que les collections dont ce département se compose n’ont pas leur place nécessaire à côté des collections littéraires ou scientifiques, et qu’elles fourniraient un complément plus naturel aux œuvres de la peinture qu’aux livres et aux manuscrits ?

De nos jours, cette opinion a été plus d’une fois émise, et assez récemment encore, en 1858, une commission chargée de proposer les réformes à introduire dans le régime de la Bibliothèque signalait comme une mesure particulièrement opportune la translation au Louvre de toutes les estampes conservées au palais Mazarin. Rien de mieux, si l’art seul était représenté dans cet ensemble de