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Les états de l’ouest au contraire donnèrent la majorité aux républicains. Les états du nord, comme l’avaient prouvé les deux élections toujours douteuses du Connecticut et du Maine, étaient favorables au général Grant. Restaient les grands états du centre, la Pensylvanie, l’Ohio et l’Indiana, dont la majorité plus incertaine devait, comme toujours, faire pencher la balance. Le 8 octobre, les élections eurent lieu dans ces trois états ; dans tous les trois, elles tournèrent en faveur des républicains. En Pensylvanie, où ils obtinrent une majorité de 25,000 voix, cette victoire fut d’autant plus remarquable que le candidat républicain, le général Hartfrant, était un spéculateur médiocrement estimé, tandis que M. Buckalew, le candidat démocrate, justement respecté de tous les partis, était soutenu par le gouverneur Curtin, un des hommes les plus haut placés dans ce pays par l’estime publique. Pour qu’en dépit de ces circonstances la majorité républicaine eût augmenté de 10,000 voix depuis l’année précédente, il fallait un mouvement d’opinion irrésistible. Dans l’Ohio, le succès des républicains n’avait pas été aussi grand, car leur majorité n’était plus que de 15,000 voix, c’est-à-dire un peu inférieure à celle des élections de 1870, et très au-dessous des 41,000 suffrages auxquels elle s’était élevée lors de la dernière élection présidentielle. L’Indiana au contraire, qui avait donné en 1870 une majorité de 2,500 voix aux démocrates, donnait cette année 3,000 voix de plus aux républicains. Le sort en était jeté, les républicains étaient encore une fois victorieux, et toutes les fanfaronnades de M. Greeley ne pouvaient plus lui ramener la fortune.

Les partisans du philosophe firent bonne contenance jusqu’au bout. Ils expliquèrent leurs défaites locales par l’emploi de la corruption, par l’influence administrative du général Grant et par l’usage de cette fraude électorale qu’on appelle aux États-Unis la colonisation. — La colonisation consiste dans le double et triple vote d’une bande d’électeurs gagés, inscrits dans plusieurs états, et faisant métier de courir les chemins de fer pour aller voter de ville en ville. — On évalue d’ailleurs à soixante mille le nombre des fonctionnaires dépendans du gouvernement-fédéral, et l’on assure que chacun d’entre eux a été forcé de souscrire en moyenne 50 dollars par tête pour les frais électoraux du parti républicain. Si à ces soixante mille soldats dévoués de l’administration régnante, on ajoute les fonctionnaires des états et des municipalités où le parti républicain domine, on aura l’idée de l’immense influence que le pouvoir exécutif exerce aux États-Unis sur les manifestations de l’opinion publique ; mais il ne faut pas oublier qu’il en a été de même dans tous les temps, et que l’opposition use des mêmes moyens partout où