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Lincoln et du général Grant ; 750 délégués étaient présens, chaque état ayant envoyé à la convention deux fois autant de délégués qu’il possédait de sénateurs et de députés. En attendant l’ouverture de l’assemblée, les délégués présens à Philadelphie débattaient dans des caucus ou réunions préparatoires le choix d’un candidat à la vice-présidence. Des meetings, des discours, des processions, des parades, occupaient le reste de leur temps. Enfin l’ex-gouverneur William Claffin, du Massachusetts, président du comité exécutif national républicain, annonça l’ouverture des débats. Comme d’usage, une prière fut dite par un clergyman, membre de la convention, pour appeler sur ses travaux la bénédiction du ciel. Un président provisoire fut désigné : ce fut M. Morton Mac-Michaël, ancien maire de Philadelphie. Ensuite il fut procédé à l’élection des quatre comités réglementaires, le comité d’organisation pour choisir le bureau de l’assemblée, le comité des credentials pour se livrer à la vérification des pouvoirs des délégués, le comité des résolutions, de beaucoup le plus important, pour rédiger la plate-forme et proposer les candidats, enfin le comité des rules of orders and business pour s’occuper des questions d’ordre et d’organisation matérielle ; dans chacun de ces comités doit entrer un délégué de chaque état. Pendant que ces quatre commissions étaient à l’œuvre, les membres de la convention se mirent à discourir sur le thème obligé de l’éloge du parti républicain et du panégyrique du général Grant. Parmi les orateurs qui profitaient de l’occasion pour se produire, quelques délégués nègres des états du sud se faisaient remarquer par une véritable éloquence. Il n’y eut pas ; une seule voix dissidente. La convention n’était, comme le dit un témoin oculaire, « qu’un perpétuel hurrah pour Grant. »

Cependant le comité d’organisation rentre en séance et propose de nommer président de l’assemblée le juge Thomas Seule, un homme du sud rallié à la bonne cause, mais qui avait servi dans l’armée confédérée pendant la guerre. Celui-ci, en prenant possession du fauteuil, remercie l’assemblée « de l’insigne distinction qu’on lui accorde en le choisissant pour présider les délibérations du plus grand parti de la plus grande nation du monde, » et déclare qu’il accepte cet honneur « comme une main fraternelle tendue par les magnanimes sœurs du nord aux sœurs égarées, punies, régénérées, patriotiques, du sud. » Il conclut en affirmant que le sud demande la réélection de Grant, et que Grant y est nécessaire pour le maintien de l’ordre et de la loi. Cette harangue redondante, marquée au coin de la déclamation et de la vantardise nationales, est accueillie, comme toujours, par un enthousiasme indescriptible.

Le lendemain, la convention se réunit de nouveau. Le comité des