Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/511

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
505
REVUE. — CHRONIQUE.

lition de républicains dissidens ou libéraux, de démocrates mal remis de leurs défaites, de mécontens de toute nuance, cette coalition n’était pas en état de lutter avec les forces compactes marchant à la suite du général Grant. Le drapeau de l’opposition ne représentait ni une idée, ni un intérêt, ni une passion de nature à saisir l’imagination populaire, et le 5 novembre, le jour où le scrutin solennel s’est ouvert, tous les mirages se sont évanouis ; il n’est resté qu’un fait capital et dominant, la réélection du général Grant à une majorité qui a presque dépassé toutes les prévisions et peut-être même les espérances de ses propres amis.

Le résultat n’est point encore définitif sans doute. L’élection présidentielle aux États-Unis se fait à deux degrés, on le sait. Les divers états nomment des électeurs en proportion de la population, et ces électeurs, au nombre de 366 pour trente-sept états, se réunissent à Washington, où ils émettent un dernier vote, que le sénat fédéral proclame à sa prochaine réunion ; mais, comme le mandat de ces électeurs du second degré est absolument impératif, le résultat est écrit d’avance dans l’élection primaire, qui assure désormais une majorité immense au général Grant. Voilà donc la crise la plus grave traversée sans encombre par les États-Unis. Le général Grant. demeure président pour quatre ans encore. Que fera-t-il de son pouvoir ? S’attachera-t-il uniquement à effacer de plus en plus les traces de la guerre civile ? Essaiera-t-il de tourner l’activité de ce grand et vigoureux peuple vers les entreprises extérieures ? Cela ne dépend pas tout à fait de lui. C’est le bonheur des nations libres de rester les maîtresses de leurs destinées et d’en être responsables jusqu’au bout, parce quelles ne laissent aux hommes placés à leur tête que le grand et suprême honneur de les gouverner sans le pouvoir de les asservir ou de les entraîner dans les ruineuses aventures.

CH. DE MAZADE.





SOUVENIRS DE PROVENCE.


I.

LA CIGALE.

 

Je suis le noble insecte insouciant qui chante
Au solstice d’été dès l’aurore éclatante,
Dans les pins odorans, mon chant toujours pareil
Comme le cours égal des ans et du soleil ;