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ce qu’on veut et de marcher résolument dans la voie où il serait désormais difficile de s’arrêter.

Il est au milieu de tous ces problèmes politiques qui s’agitent, qui obscurcissent en quelque sorte l’atmosphère, il est une question qui n’a aucun rapport avec les réformes constitutionnelles, avec le renouvellement partiel ou intégral de l’assemblée, avec la création d’une seconde chambre, et qui ne touche pas moins aux intérêts les plus sérieux, les plus positifs de la France : c’est cette question économique dont le traité de commerce récemment conclu avec l’Angleterre n’est que l’expression diplomatique. Cette négociation laborieuse et délicate est donc arrivée à son terme. M. le président de la république a obtenu ce qu’il voulait : le traité de 1860 est remplacé par la convention qui vient d’être signée. La politique commerciale de la France en est-elle profondément modifiée ? Il faut parler franchement, on s’est effrayé trop vite. Lord Granville a eu raison de le dire ces jours derniers au banquet du lord-maire, ce n’est nullement un retour au système protecteur, c’est plutôt pour la France un retour à l’indépendance fiscale, à la liberté des taxations. La pensée du traité est tout entière, à vrai dire, dans l’article 5, portant que, si l’une des parties contractantes frappe d’un droit intérieur quelque objet de production ou de fabrique intérieure, un droit compensateur équivalent pourra être établi sur les objets de même catégorie à leur importation du territoire de l’autre puissance, pourvu que ce droit équivalent s’applique aussi aux mêmes objets importés des autres pays étrangers. Quel usage fructueux la France pourrait-elle faire pour le moment de la liberté fiscale qu’elle retrouve, dans l’état de ses relations commerciales avec un certain nombre de pays de l’Europe » telles qu’elles résultent de traités qui doivent durer quelques années encore ? C’est une autre question. Le principe est acquis et inscrit dans le traité avec l’Angleterre. En échange, le gouvernement français a fait une concession qui était dans notre intérêt autant que dans l’intérêt anglais ; il a cédé cette surtaxe de pavillons créée par une loi du commencement de 1872. Il est certain que c’était là une invention aussi malheureuse que possible. Elle n’a nullement servi notre marine marchande, comme on se le figurait, et elle nous a exposés à cette menace d’une surtaxe de 10 pour 100 établie par représaille aux États-Unis sur les marchandises venant par des navires français. Elle nous a exposés par cela même à voir le commerce de la Suisse avec l’Amérique délaisser Le Havre pour prendre le chemin d’Anvers. Elle est encore aujourd’hui une gêne considérable pour l’exportation de nos récoltes.

C’est une perturbation complète et une expérience nouvelle de l’inefficacité d es moyens restrictifs. Le gouvernement a pu certes abandonner sans crainte cette malheureuse surtaxe ; il devra nécessairement en proposer l’abrogation à l’assemblée, qui s’empressera sans doute de la