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favorable sur les juges. Cet exorde a de plus le mérite de la brièveté. Il rappelle les efforts tentés par le pupille pour s’arranger avec ses tuteurs. Ensuite vient ce que les traités de rhétorique appellent la proposition, le sujet est posé et tous les griefs de Démosthène sont résumés en quelques lignes ; dès lors on comprend quel usage les tuteurs ont fait de leur pouvoir, et comment ils ont employé ces dix années. Les esprits ainsi préparés, l’orateur justifie ses assertions ; il indique de quelles valeurs se composait au moment du décès la fortune de son père ; le jury saurait encore mieux à quoi s’en tenir, si les tuteurs n’avaient pas fait disparaître le testament. En l’absence de ce texte, Démosthène prouve par des témoignages, souvent par l’aveu même des tuteurs, qui ont été séparément interrogés devant l’arbitre, chacun des faits qu’il avance. Pour le moment, il ne s’occupe point de Démophon ni de Thérippide, dont le tour viendra plus tard ; mais il dresse, article par article, le compte de ce que lui doit Aphobos. Tout cela se groupe sous trois chefs : 1° les sommes reçues par Aphobos sous certaines conditions qu’il n’a pas remplies, ainsi ces 80 mines qu’il s’est appropriées comme dot de la veuve qu’il n’a point épousée ; 2° les valeurs qu’il a détournées de la succession ou laissées périr par sa négligence, comme ces esclaves armuriers qu’il a vendus, ces ateliers qu’il a désorganisés ; 3° l’intérêt de ces capitaux, calculé, jusqu’au jour où la tutelle a pris fin, au taux, très modéré pour Athènes, d’une drachme par mine et par mois, ou de 12 pour 100 par an. Il arrive ainsi à un total d’environ 12 talens ; il en déduit la part qui revient à Aphobos dans les impôts payés au trésor, pour le compte de son pupille, pendant les dix années de minorité, et dans les valeurs qui ont été remises lors de la majorité ; il limite donc sa demande à 10 talens, somme qu’il déclare être au-dessous de ce qu’il pourrait légitimement exiger.

Par la faute même du sujet, il y a là bien des détails accumulés, bien des chiffres qui risquent de fatiguer l’attention ; aussi, vers le terme de cette exposition, l’orateur amène-t-il avec adresse un résumé qui en dégage le sens. Il insiste avec raison sur cette idée, que des legs aussi importans faits aux tuteurs à seule fin de s’assurer leur reconnaissance ne se comprendraient point sans une fortune vraiment considérable. Ceci bien expliqué, il n’a point de peine à réfuter les mauvaises excuses que les tuteurs ont déjà fait valoir devant l’arbitre, et qu’ils reproduiront sans doute devant le jury. Un jour, ils parlent de 4 talens que le père de famille, voulant dissimuler une partie de sa fortune, aurait laissés enfouis quelque part, dans une cachette dont seule la veuve connaissait le secret ; un autre jour, ils affirment que la succession était grevée de dettes, et qu’ils ont employé presque tout l’argent liquide et le