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femmes surtout, y apportent leur argent et forment la très grande majorité de la clientèle. En outre l’administration de la société a tenu à diriger l’emploi des capitaux disponibles, elle a recommandé les placemens qui peuvent le mieux convenir au public de Lyon, c’est-à-dire, outre les rentes françaises, même les valeurs des pays étrangers avec lesquels le commerce est en relations habituelles ; c’est ainsi que les fonds américains, italiens, les actions et obligations des chemins autrichiens y ont été en faveur. Rien n’est plus intéressant que de voir se succéder dans la grande salle des paiemens, au rez-de-chaussée que le Crédit lyonnais occupe dans le Palais du Commerce, cette foule de cliens et de clientes, modestement vêtus, qui discutent leurs affaires avec une véritable intelligence. Dans aucun établissement de Paris, l’affluence n’est plus considérable. Ce progrès de l’instruction populaire est très remarquable ; il est à souhaiter qu’il se répande partout.

Enfin le Crédit lyonnais a déjà su se composer une réserve du tiers de son capital versé, laquelle au terme de l’exercice courant en atteindra peut-être la moitié. De tous nos établissemens financiers, le Crédit lyonnais est non le plus important, mais celui qui se rapproche le plus du type dont la Société générale belge est jusqu’ici le meilleur modèle à certains égards. Il doit la confiance dont il jouit à la règle invariablement suivie de ne jamais considérer comme une valeur active des rentrées plus ou moins reculées, et de tenir autant que possible toutes ses ressources réalisables immédiatement. Ce qu’on appelle en style du métier un trou, c’est-à-dire une créance douteuse, de paiement différé, est comblé dans les inventaires et figure pour zéro au bilan ; d’autre part, et après quelques expériences coûteuses, la mobilisation du capital est devenue la pratique constante de la société. On en a eu la preuve dans les événemens de 1870-1871, où le Crédit lyonnais a eu toujours en caisse plus que ses exigibilités de toute nature, et dans les emprunts de 1871 et de 1872, où il a pu verser les sommes nécessaires aux grosses souscriptions qu’il n’a pas craint de faire pour lui-même[1].

  1. L’emploi du capital social (non des dépôts, dont le portefeuille et la caisse sont la contre-partie nécessaire) en rentes françaises n’est certes pas une infraction à la règle de la mobilisation du capital, au contraire. Si mobile qu’on le veuille, il faut toujours l’utiliser. Or il suffit qu’il soit employé en titres de négociation immédiate, de rapport certain et rémunérateur. Les rentes françaises ont assurément ce caractère, et le placement du capital entier et des réserves du Crédit lyonnais, s’il eût été fait en 5 pour 100 français, n’aurait pu qu’augmenter encore la confiance du public envers lui. Au reste, la proportion des dépôts avec le capital, plus forte que pour toute autre, montre bien le crédit de cette société. Le capital est de 60 millions, tandis que celui de la Société générale s’élève à 120, et celui de la Banque de Paris et des Pays-Bas à 125.