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Bourse un papier qui les représentât tous, une sorte de lettre de gage toujours circulant, ses propres obligations en un mot, devenues le signe représentatif des valeurs émises par lui ou déposées dans ses caisses. Pour avoir oublié une seule fois le principe de la mobilisation de son capital social, le Crédit mobilier a vu sa fortune décroître et son influence disparaître. C’est au contraire en se bornant presque exclusivement au rôle de caissier du public, d’escompteur des effets de commerce, que les autres établissemens ont prospéré ; enfin c’est tout récemment, pour grouper les capitaux en vue des émissions d’emprunts d’état, que les plus nombreux et les derniers se sont fondés. Ces sociétés, franco-autrichienne, hongroise, égyptienne, hollandaise, italienne, belge, etc., improvisées en une seule année et à l’occasion de nos emprunts de 5 milliards, dont l’objectif est non pas de créer des industries internationales, mines, chemins de fer, transports maritimes, mais d’établir des comptoirs financiers pour y recevoir des capitaux destinés aux emprunts, aux arbitrages de place à place, sont-elles destinées toutes à une longue et fructueuse carrière ? Il est permis d’en douter. Cependant les services qu’elles ont rendus à l’occasion de nos émissions ne sauraient être méconnus. Cette cause même de la naissance de quelques-unes mise de côté, les intérêts à desservir sont si grands, il y a sous ce rapport un tel chemin à parcourir pour atteindre aux résultats obtenus en Angleterre par exemple et en Écosse, qu’on ne saurait trop étudier le fonctionnement de ces diverses sociétés, ni assez applaudir aux changemens qu’elles introduisent dans nos mœurs financières.

La France a toujours été un pays d’économie et d’épargne : les classes moyennes s’y sont élevées en grossissant sans cesse le capital accumulé ; nulle part, le numéraire n’a été plus abondant ni plus parcimonieusement recueilli. C’est à réunir ces trésors individuels, à leur donner un emploi, à en activer la circulation, que les institutions de crédit ont servi et doivent servir de plus en plus. L’escompte du papier de commerce, à l’aide duquel le producteur liquide à bref délai une opération faite, permet à l’industrie de multiplier les affaires et d’accumuler les profits : en faisant circuler plus rapidement le capital, les banques d’escompte l’augmentent, on peut dire, dans une proportion indéfinie. Les banques de dépôt n’ont pas une moindre utilité, mais le mérite en apparence est plus modeste, et nos habitudes d’économie domestique ont eu grand-peine à s’en accommoder. Pour persuader au public de confier ces épargnes amassées sou à sou, ce numéraire enfoui dans des cachettes, à une caisse qui pouvait en faire un mauvais emploi et qui ne les rendrait peut-être pas à la première demande, il fallait de grands efforts d’habileté, de patience, de désintéressement même.