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des amis trop tièdes. C’est une maladresse pour un parti que de méconnaître ce qu’il y a de bonne foi et d’honnêteté chez ses adversaires. Quand une fois les royalistes auront pris la résolution de concourir à la fondation de la république, ils deviendront aussi sincères, aussi zélés que les républicains de la veille. Leur longue résistance elle-même est un gage de leur loyauté. Ils porteront dans leur attachement aux institutions nouvelles ce même esprit de conservation et de fidélité qui les anime aujourd’hui pour les institutions du passé. Plus les républicains deviendront conservateurs, plus les conservateurs s’attacheront à la république. Ils cesseront de former deux peuples ennemis vivant côte à côte sur le même sol, sans se mêler et sans se connaître. L’œuvre de conciliation, qui est le but et pour ainsi dire l’âme de la république conservatrice, s’effectuera toute seule, si chacun des anciens partis s’inspire un peu plus des nécessités de l’heure présente, et un peu moins des souvenirs du passé.

Quel que soit l’avenir qui nous est réservé, nous n’avons tous aujourd’hui qu’un devoir : c’est d’oublier ce qui nous divise et de chercher ce qui peut nous unir. Le mot d’ordre de tous les partis doit être le même, non pas celui du célèbre Danton et de ses imitateurs contemporains : « de l’audace, de l’audace, et encore de l’audace, » mais bien « de la modération, de la modération, et encore de la modération. » Qu’au lieu de fourbir leurs armes pour de nouveaux combats, de s’excommunier mutuellement et de se menacer de mort, ils s’étudient sincèrement à se faire des concessions mutuelles, et travaillent à préparer des institutions qui puissent les abriter tous ensemble. — Cela est difficile assurément, mais moins chimérique qu’il ne semble à nos roués politiques et à nos patriotes désabusés, car, si nos chefs de parti ne donnent pas toujours le bon exemple, le pays du moins marche dans cette voie avec patience et avec courage, — car nous avons un gouvernement honnête qui sert de point de ralliement aux hommes de bon sens, et qui a fait de la république conservatrice le refuge naturel de toutes les opinions vaincues, aussi bien que le rendez-vous commun de tous les dévoûments patriotiques.

Quant à nous, nous lui resterons fidèles, nous n’abandonnerons pas la cause de la république conservatrice. Nous maintenons plus que jamais cette formule, bien qu’elle ait le malheur de prêter à rire à certains esprits raffinés. Libre à ceux qui ne la comprennent pas de s’en moquer tout à leur aise. Tant pis pour eux, s’ils sont étrangers aux généreux sentimens, aux sages résolutions aux patriotiques idées qu’elle exprime, et qui ne trouvent nulle part une expression aussi claire. Tant pis pour eux, s’ils ne veulent pas voir