Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/373

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

estampes vers la fin du XVIIIe siècle, des dédommagemens à la perte qu’il venait de subir ? Sans doute l’acquisition si involontairement manquée de la collection Mariette ne découragea pas Joly à ce point qu’il négligeât les occasions favorables qui pouvaient encore se présenter ; mais ces occasions devenaient de plus en plus rares, et les résultats, si bons qu’ils fussent, de moins en moins comparables aux éclatans succès passés. Sauf 44 gravures italiennes du XVe siècle qu’un amateur, M. Bourlat de Montredon, avait eu l’heureuse fortune de découvrir à Constantinople, et qui, mises en vente après sa mort, furent acquises pour la Bibliothèque presque en même temps que la collection de plantes dessinées connue sous le titre de Hortus Cellensis, et plusieurs suites d’estampes ou de miniatures ayant appartenu au duc de La Vallière, — sauf encore un recueil des eaux-fortes de Rembrandt composé de plus de 700 épreuves, et acheté en 1784 au Peintre Peters pour la somme de 24,000 livres, — on ne trouverait guère à citer des pièces d’un haut intérêt ou des œuvres d’art d’un grand mérite parmi celles qui entrèrent au cabinet des estampes depuis l’année 1776 jusqu’à la fin du règne de Louis XVI.

À plus forte raison, les années qui suivirent ne devaient-elles pas faciliter les transactions ou stimuler les libéralités privées. Le gouvernement d’alors, il est vrai, ne se fit pas faute de suppléer aux unes et aux autres par les confiscations et les saisies ; mais on eut beau, à l’intention du cabinet des estampes, faire main basse sur les recueils, presque tous lacérés d’ailleurs, qui se trouvaient aux Tuileries ou à Versailles, sur 10,000 ou 12,000 gravures provenant des émigrés, et sur plus de 40,000 autres conservées dans divers couvens de Paris[1], — le tout n’arriva guère qu’à encombrer de doubles ou d’ouvrages sans valeur l’établissement qu’on prétendait enrichir.

Il en fut à peu près de même de ce que les victoires sur l’étranger lui procurèrent pendant les dernières années du siècle. Si plusieurs belles pièces faisant partie du cabinet du stathouder et rapportées de Hollande en 1795 ajoutèrent momentanément un appoint assez notable aux œuvres de certains maîtres, parmi les 21,700 estampes ayant appartenu aux jésuites établis à Cologne et les 3,000 estampes envoyées d’Italie, à peine, — suivant le témoignage de Joly fils, qui à cette époque avait succédé à son père, — s’en trouva-t-il quelques centaines qu’on pût considérer comme ne faisant pas double emploi avec celles que le cabinet possédait de longue date. Encore ces pièces d’élite ou du moins relativement utiles

  1. Nous ne comprenons pas dans ce chiffre les estampes formant la collection que M. de Tralage avait léguée à la bibliothèque de l’abbaye de Saint-Victor, et dont la translation à la Bibliothèque nationale sera mentionnée un peu plus loin.