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caractère[1]. C’est ce à quoi Joly s’appliqua tout d’abord avec un plein succès. Nous avons dit dans la première partie de ce travail que, grâce à lui, les planches gravées et les estampes furent transportées de la salle à rez-de-chaussée, où elles se détérioraient depuis douze ans, dans un local plus vaste et plus salubre. En même temps une impulsion nouvelle était donnée aux travaux des graveurs chargés au nom du roi de reproduire les dessins de botanique qui avaient appartenu à Gaston d’Orléans, — en attendant que les planches déjà gravées, et « retenues, écrivait Joly, on ne sait pourquoi à l’imprimerie royale, » fussent, en 1768, réintégrées à la Bibliothèque, « leur véritable chef-lieu. » Les prêts au dehors, qui d’abus en abus avaient fini par être accordés presque à tous les solliciteurs, furent restreints à un petit nombre d’écrivains, de savans ou d’artistes, parmi lesquels il suffira de citer Buffon, Diderot, Daubenton et le peintre Bachelier. Un peu plus tard, il est vrai, Joly se verra obligé de satisfaire aux demandes d’autres emprunteurs, et de prêter tantôt « à M. le chevalier de La Ferrière, sous-gouverneur, des enfans de France, et pour les princes deux volumes de portraits des anciens philosophes, » tantôt « à Mlle d’Ossun, sœur de M. l’ambassadeur d’Espagne, deux figures pour aider au costume dans la tragédie de Tancrède, que doit faire représenter cet ambassadeur, » — tantôt enfin « à M. le chevalier de Tourampré huit dessins des Modes de France pour une comédie anglaise à laquelle s’intéresse Mgr le duc d’Orléans ; » mais, tout en s’exécutant de bonne grâce, tout en répondant avec déférence à certain billet entre autres par lequel Madame Victoire, fille de Louis XV, lui demande sans marchander d’envoyer à Versailles « toutes les estampes qu’il pourra trouver » pour l’amusement de son neveu malade, le jeune duc de Bourgogne, Joly prend minutieusement ses précautions pour assurer à la Bibliothèque la prompte restitution des objets prêtés, et, contrairement aux usages passés, il exige de ceux à qui il en fait la remise des reçus détaillés portant avec la description des pièces l’engagement de les rendre « au garde du cabinet, à sa première réquisition. »

La série de ces récépissés conservés aujourd’hui dans les papiers du département des estampes n’atteste pas seulement l’active sollicitude et la vigilance personnelle de Joly : elle constate aussi et photographie en quelque sorte le mouvement des esprits dans chacune des périodes dont se compose la seconde moitié du XVIIIe siècle. Au commencement, c’est-à-dire à l’époque où les

  1. Joly, né en 1718, n’était âgé que de trente-deux ans lorsqu’il fut nommé garde du cabinet.