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LA RÉPUBLIQUE
et
LES ANCIENS PARTIS

La tranquillité si précieuse qui règne aujourd’hui en France ne saurait être sérieusement troublée par les diverses manifestations auxquelles les chefs des partis extrêmes ont jugé à propos de se livrer dans ces derniers temps. Au fond, la France est indifférente à leurs ambitions et à leurs querelles, fatiguée de leurs déclamations monotones, et elle veut faire table rase de toutes ses superstitions anciennes ou modernes, pour se consacrer tout entière à la réparation de ses malheurs. Cependant une agitation assez vive règne en ce moment dans le monde politique. On n’avait pas vu depuis longtemps un tel débordement de manifestes, d’injures et de calomnies réciproques. Ce vacarme assourdissant fait un contraste choquant avec l’attitude sage et patiente de la grande majorité du pays. Sans distraire heureusement la foule des pacifiques travaux qui l’absorbent, et sans alarmer gravement l’opinion publique éclairée, les partis ont réussi à provoquer autour d’eux un de ces troubles superficiels qui inquiètent les esprits timides, et qui fournissent des argumens dangereux aux hommes dont c’est le métier d’effrayer le pays.

Il ne faut pas s’étonner de cette ébullition passagère : la cause en est artificielle et s’épuisera vite ; nous assistons en ce moment à la crise suprême et à l’agonie des anciens partis. Ils se savent perdus, si la république modérée se fonde, et avant de succomber ils lui livrent une dernière bataille. Jusqu’à ce jour, les anciens partis étaient restés jeunes ; ils avaient conservé tout leur prestige, grâce à une succession de gouvernemens, despotiques ou révolutionnaires,