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La majorité de la chambre hongroise a-t-elle compris qu’elle venait de commettre une faute en abandonnant par mauvaise humeur le comte Lonyay et en ayant l’air de le sacrifier aux rancunes de ses adversaires ? a-t-elle voulu prévenir les scissions qui pouvaient résulter du ressentiment de l’ancien président du conseil et de ses amis ? Toujours est-il qu’au lendemain même du dénoûment de cette singulière crise le parti Deák, comme pour effacer le souvenir de ce qui venait de se passer, s’est hâté d’adresser au comte Lonyay l’invitation la plus flatteuse, et lui a fait dans son club une véritable ovation. Le président du club, M. Perczel, a exalté les services de l’ancien président du conseil. M. Deàk lui-même a parlé de la manière la plus chaleureuse. Il y a eu les acclamations les plus vives. La manifestation de confiance que le comte Lonyay n’avait pas obtenue dans la chambre, il l’a eue au club Deák. Il n’a du reste laissé percer, quant à lui, aucun ressentiment ; il a au contraire promis sa fidélité au parti Deák, son appui au ministère Szlavy, et de cette crise hongroise il ne reste plus rien pour le moment.

La vie parlementaire est bien autrement laborieuse dans la Cisleithanie, et le ministère Auersperg va rencontrer des difficultés bien plus complexes dans cette session du Reichsrath qui s’ouvre en ce moment même. Il paraît décidé à résoudre ou du moins à essayer de résoudre un des problèmes les plus graves, celui de la réforme électorale. Une réforme électorale, cela semble peut-être assez simple ; en réalité, la question touche à l’essence même de l’organisation politique de l’Autriche nouvelle. Jusqu’ici les membres du Reichsrath sont élus non pas directement par le pays, mais par les diètes provinciales, et souvent dans ces dernières années, les diètes, ou du moins quelques-unes, dominées par l’esprit fédéraliste, s’exagérant leur rôle, ont pratiqué une véritable sécession, refusant d’envoyer des délégués au Reichsrath, faisant ainsi acte de résistance à la politique centraliste qui a prévalu en certains momens à Vienne et qui n’a point renoncé à triompher définitivement. Il y a toujours des provinces qui ne sont point représentées au Reichsrath, et il en résulte une vraie confusion, une difficulté permanente pour trouver une majorité parlementaire, quelquefois même l’impossibilité d’une délibération réellement légale. Il s’agit aujourd’hui d’arriver, par un système d’élection directe, à faire du parlement de Vienne une représentation plus régulière et plus rationnelle des intérêts communs des diverses parties de la Cisleithanie, en laissant bien entendu aux diètes provinciales leurs attributions et leurs droits dans la sphère des intérêts locaux. Ce n’est point chose facile, on se heurte à toutes ces complications qui tiennent aux différences de races, de nationalité, d’intérêts, de traditions, de mœurs. La Galicie, au nom de son autonomie, demande naturellement à être exemptée de ce régime commun. Elle craint qu’on ne se serve de ce système de l’élection directe contre sa nationalité, qu’on ne revienne encore une fois à cette politique qui consistait à op-