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éclairée par ses malheurs et animée du plus sincère désir de les réparer. Ceux qui composent ce parti sont de tous les rangs, de toutes les classes, de toutes les nuances d’opinions ; ils se rencontrent dans un sentiment unique, le patriotisme, et dans une volonté commune, celle de travailler d’un cœur désintéressé, d’un esprit libre, à la reconstitution du pays, sans subordonner cette œuvre nationale à une préférence, à un souvenir, à une question de drapeau ou de forme politique. On leur dit quelquefois d’un ton superbe qu’ils sont des sceptiques, qu’ils manquent de principes. Nullement, ils croient au pays, au pays seul, et ils n’ont de scepticisme que pour toutes ces forfanteries de partis aussi impuissans que bruyans. Depuis un demi-siècle, ils ont assisté à tant de défaites de ces prétendus principes par lesquels on prétend nous sauver, ils ont vu tant de régimes passer comme des ombres, qu’ils sont assez pardonnables, on en conviendra, de ne pas croire absolument à l’efficacité triomphante de ces régimes qui n’ont pas même su vivre dans des circonstances où tout leur était facile. Quand la monarchie leur promet la stabilité, ils ont bien le droit de demander quel est le genre de stabilité qu’on se flatte d’assurer, et ce que durera cette stabilité ; quand on veut les entraîner par le seul mot de république, ils ont bien le droit de savoir avant tout si ce qu’on leur offre est cette république qui enfante périodiquement les dictatures césariennes. Oui, ils ont ce droit, justement parce qu’ils mettent au-dessus de tout la France et la liberté, et, s’ils s’attachent à la situation actuelle, au gouvernement qui dirige depuis un an les affaires du pays, c’est qu’il est plus facile de décrier puérilement cette situation que de la changer, c’est que ce gouvernement de réparation, de bon sens, de prudente et honnête médiation, en empêchant tous les partis de se déchirer, laisse au moins à la France le temps de respirer, de puiser dans l’expérience de ses malheurs la force de se défendre contre tous les excès qui la menacent. C’est le gouvernement de la France en détresse, en travail de reconstitution, et le parti qui se forme sur ce terrain strictement national est le parti de la France, tandis qu’autour de ce parti et de ce gouvernement tourbillonnent étourdiment toutes ces agitations, ces manifestations, qui ne tiennent compte de rien, qui ne font parfois que rendre plus sensibles les difficultés d’une situation dont hier encore nous avions à dévorer une suprême amertume.

Qu’arrivait-il l’autre jour en effet ? Au moment oh le radicalisme en voyage se donnait des fêtes à lui-même et où un brave habitant d’Annecy rappelait avec un à-propos singulier à M. Gambetta les gloires de sa dictature, la France passait par une de ces heures de deuil où l’on devrait au moins savoir se taire, ne fût-ce que pour n’avoir pas l’air de mêler des ovations équivoques et des banalités jactancieuses à la réalité la plus cruelle. C’était tout juste le 1er octobre, et le 1er octobre était le jour des déchiremens et des séparations douloureuses dans toute l’Al-