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ficielle; mais ce n’était guère westphalien : l’auteur était un Français nommé Brugnières.

Le gouvernement dut se préoccuper aussi de la situation faite aux beaux-arts dans la Westphalie. Guillaume VIII, n’étant encore que prince héréditaire et gouverneur de la Frise pour la république de Hollande, avait commencé à former une galerie de tableaux, pour la plupart de l’école hollandaise. Devenu landgrave, il entretint dans les Pays-Bas un agent chargé de continuer les achats. La collection n’avait cessé de s’accroître sous ses successeurs, et le landgrave Frédéric II l’avait ouverte au public et aux artistes. Elle devait être alors presque aussi considérable qu’aujourd’hui (1,392 tableaux). Les écoles allemande, espagnole, italienne, y étaient brillanment représentées, mais les écoles flamande et hollandaise, avec Rubens, Snyders, Teniers, Jordaens, Van Dyck, Gérard Dow, en constituaient la majeure partie. Après le renversement de l’électeur. Napoléon, avec cette barbare passion pour les beaux-arts qu’il semble avoir imitée des contemporains de Mummius, s’empressa de faire trophée de tous ces chefs-d’œuvre. Il envoya le directeur-général Denon à Cassel avec mission de choisir les meilleurs tableaux pour le musée du Louvre. Denon fit aux Casselois ce singulier compliment : « j’ai déjà eu mission dans plusieurs galeries ou musées de choisir pour nous ce qu’il y avait de plus beau, mais jamais je n’ai été si embarrassé de mon choix qu’aujourd’hui; tous vos tableaux sont des perles et des bijoux. » Pour sortir d’embarras, il expédia à Paris la plus grande partie de la collection. D’autres tableaux furent donnés en présent à l’impératrice Joséphine pour sa galerie de la Malmaison : ils figurent aujourd’hui à l’Ermitage de Saint-Pétersbourg. D’autres furent donnés à différentes personnes : un Raphaël tomba entre les mains du général Lagrange. D’autres enfin furent vendus aux enchères[1].

L’avènement de Jérôme vint, quoique un peu tard, mettre un terme à ce vandalisme. Ce qui restait encore de tableaux fut réservé à l’académie des beaux-arts et mis à la disposition des artistes. Les courtisans ne manquèrent pas de voir dans cet acte incomplet de réparation le point de départ d’une ère nouvelle de prospérité pour l’art westphalien.


V,

Quels que fussent les qualités ou les défauts des ministres du roi, ceux du roi lui-même devaient avoir une plus grande influence sur les destinées de l’état. Reinhard lui reconnaît de la bonté et

  1. En 1815, la collection de Cassel fut reconstituée. Voyez Müller, Zur Geschichte der Kasseler Galerie. Cassel.