Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/947

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tement régulier, mais qui n’en découvrait que mieux l’irrégularité de la situation. Les recettes montaient à 34,400,000 francs, les dépenses ordinaires, y compris le service de la dette publique, à 34,820,000 fr. Il ne subsistait plus qu’un déficit de 420,000 fr.; mais il y avait les dépenses extraordinaires, c’est-à-dire environ 11 millions, consacrés à la solde de la division westphalienne envoyée en Espagne et à l’entretien de 12,500 Français de Magdebourg. Cependant en 1810 le traité du 14 janvier, qui céda le Hanovre au roi de Westphalie, avait arrêté la contribution extraordinaire de guerre à 16 millions seulement et accordé dix années de délai. L’âpreté de l’empereur et de Daru avait été vaincue par la résistance passive du débiteur westphalien.

On a peu de détails sur le budget de 1811. Quanta celui de 1812, « l’armée westphalienne, selon les Mémoires du roi, ayant péri à peu près tout entière dans la campagne de Russie, non-seulement le trésor n’eut pas à la solder et à la nourrir pendant les six derniers mois de l’année, mais le budget des dépenses se trouva dégrevé d’une dizaine de millions qui représentaient l’entretien de ces troupes pendant ce semestre : triste économie réalisée sur la mort, et qu’aucun financier n’eût su faire entrer dans ses calculs! »

Une dépense qui pesa lourdement sur le budget westphalien était celle de la liste civile. Elle était fixée pour le roi et sa famille à 5 millions, somme énorme pour un budget dont les ressources variaient entre 25 et 30 millions. « Les employés des bureaux et les médecins des hôpitaux ne sont plus payés depuis quatre mois, écrivait Jollivet; il n’en est pas ainsi des 5 millions que le trésor fournit à la liste civile. Ils sont payés très exactement, et souvent quinze jours ou trois semaines avant l’échéance. » Si encore Jérôme s’était contenté de ces 5 millions! mais les témoignages contemporains constatent que le roi de Westphalie gardait pour son trésor privé une partie des revenus publics. Ainsi les créances que l’empereur lui avait abandonnées par le traité de Berlin, uniquement pour lui donner « les moyens d’augmenter et d’entretenir son armée, » les revenus d’une partie des domaines qui étaient administrés en son nom, ceux des domaines qui faisaient retour à la couronne, Jérôme n’hésitait point à se les attribuer. En outre il faisait verser à son trésor les sommes destinées aux relations étrangères et à la solde de la garde royale, et s’en appropriait une partie. Tout cela représentait près de 2 millions par an; la liste civile s’élevait ainsi à 7 millions, et absorbait près du cinquième des revenus bruts du royaume. On essaierait vainement d’atténuer cette coupable dilapidation des trésors arrachés à cette même Westphalie dont Jérôme dépeint la misère en termes si pathétiques. Ce n’est que 2 millions, dit-on. Mais Jérôme a eu beaucoup de mal à se faire prêter par ses sujets.