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n’ont encore fourni que des résultats douteux et contradictoires. En Europe, les lieux élevés ont été généralement préservés, mais l’épidémie a violemment sévi sur les plateaux du Mexique et sur les sommets de l’Himalaya. Si des localités assises sur le granit et sur d’autres roches compactes ont paru jouir d’une immunité particulière, comme l’a montré M. Pettenkofer, on connaît des cas, tels que celui d’Helsingfors, en 1848, où les parties de la ville bâties sur le granit furent décimées, tandis que les parties marécageuses et voisines du rivage restèrent indemnes. Certaines contrées comme le Wurtemberg, certaines villes comme Lyon, ont échappé jusqu’ici à peu près complètement aux atteintes du fléau, sans qu’on puisse l’expliquer. Ce qu’il y a de moins contestable, c’est que les grandes agglomérations favorisent le développement de l’épidémie. Les armées en campagne, les cités populeuses, constituent comme des foyers d’où elle rayonne. Ainsi la guerre de Pologne en 1831 semble avoir été la cause de la propagation rapide du choléra en Europe. On ne connaît pas d’exemple d’une population rurale ravagée par l’épidémie sans qu’une ville des environs n’en eut auparavant subi l’influence. Dans les villes, les quartiers les plus compactes et les plus malsains sont envahis et éprouvés plus que les autres. Bref, le choléra a une affinité spéciale pour les agrégations humaines ; c’est en elles qu’il se concentre et par elles qu’il se répand. A cet égard, les faits observés sont décisifs, et nul argument ne saurait prévaloir contre l’ensemble des témoignages. l’étude attentive des épidémies prouve que ce n’est ni aux vents, ni aux cours d’eau, ni à de prétendues diffusions miasmatiques, qu’il faut attribuer l’extension plus ou moins rapide du choléra en dehors de son foyer d’éclosion, qu’il faut l’attribuer aux foires, aux pèlerinages, aux mouvemens de troupes et autres déplacemens collectifs de cette sorte. Des voyageurs isolés et bien portans n’ont, on le conçoit, que peu de chances de transporter la maladie d’un pays infecté à un pays indemne ; mais des voyageurs en bandes, parmi lesquels il s’en trouve toujours de plus ou moins malades, emportent nécessairement avec eux les germes du fléau. La guerre de Crimée en a fourni maintes démonstrations ; cette fois ce sont nos troupes qui ont importé le choléra en Orient. Le fait suivant est particulièrement instructif : la division Bosquet, en proie au choléra, vint le 7 août camper à Baltchick, où était mouillée une grande partie de notre escadre, jusqu’alors indemne. Au bout de dix jours, celle-ci était envahie, et en moins d’une semaine elle comptait, sur un effectif de 13, 000 marins, plus de 800 morts. S’il était nécessaire d’insister, on pourrait rappeler encore l’importation du choléra de 1865 à la Guadeloupe. Les travaux de M. Marchal de Calvi et d’un savant mé-