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qu’Henri IV ne marche pas sur Paris pour en faire un grand exemple. Somme toute, la clientèle des Montmorency d’un côté, l’influence de la magistrature de l’autre, donnèrent de jour en jour plus de relief au parti politique. Jamais on n’a mieux vu ce que peut faire une grande institution comme celle de la magistrature française, si fortement constituée, si admirablement composée : la formation, le développement et le crédit du parti politique ont été son ouvrage. C’est l’autorité, la dignité, la fermeté de la magistrature qui a préparé, facilité la grande transaction à laquelle la France a dû son salut. Le chancelier de L’Hôpital a toujours vécu en elle; elle a continué le grand sacerdoce héréditaire du droit et de la justice. Des légistes de Philippe le Bel, enfans de la bourgeoisie parisienne, était issu le barreau français, dont le XVIe siècle a été l’âge d’or, façonné dans nos vieilles universités, souche de notre noblesse parlementaire et rival de notre noblesse de race dans l’administration du royaume, où il a fini par la supplanter. L’école était si bonne que, même dans le parlement ligueur installé dans Paris, on retrouve des mouvemens que n’eût pas désavoués Achille de Harlay. Ainsi, lorsque le légat accrédité auprès de M. de Mayenne et de la ligue révoltée fut, selon l’usage, reçu en séance solennelle au parlement et introduit dans la salle d’audience à la grand’chambre, les conseillers étant en leur place, il s’avança pour se placer dans le coin où était un dais destiné uniquement pour le roi; mais le président le retint et, le prenant par la main comme voulant lui faire honneur, le fît asseoir sur le banc inférieur. Le légat, dit Lestoile, qui s’était cauteleusement flatté de prendre la place du souverain dans cette cérémonie, dissimula et cacha comme il put sa déconvenue. Quant au parlement royal séant à Tours, il prit arrêt contre le légat, portant défense à toute personne de communiquer avec l’agent pontifical jusqu’à ce qu’il se fût présenté au roi et à son parlement légalement reconnu et institué. Ainsi se forma, se maintint et s’accrut le grand parti national dont, à l’époque de la mort d’Henri III, un grand personnage vint augmenter l’importance, par son suffrage et son accession. Je veux parler de M. de Villeroy et de la publication de son Avis sur les affaires du temps, qui fit une grande sensation.

Si la magistrature offrait alors par sa dignité soutenue et par ses nobles exemples quelque horizon rassurant aux gens de bien consternés, il y avait aussi des espérances fortifiantes à recueillir du côté de l’épiscopat français, qu’il ne faut pas confondre avec cette démocratie catholique de la ligue, dont les passions et les folies ont été si bien châtiées par la satire Menippée[1], et dont

  1. Voyez Charles Labitte, de la Démocratie chez les prédicateurs de la ligue, etc., 2e édit., 1866, in-8o.