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tions populaires. Le parlement seul, retranché dans le sanctuaire de la justice, maintenait sa dignité. On se réunissait alors au Palais dès huit heures du matin, et on ne levait la séance qu’à la nuit. Les affaires s’y discutaient dans d’interminables audiences qui imposaient un grand respect[1]. Les factieux résolurent de venir prendre des otages parmi les magistrats. C’est une belle page de l’histoire du parlement; Palma Cayet a raconté cette scène digne de l’histoire romaine. Bussy-Leclerc, un procureur devenu le plus audacieux des seize, se présenta l’épée au poing à la grand’chambre dorée, et commanda de le suivre à quelques présidens et conseillers, lors séant sur leurs sièges. — Nous irons tous, répondirent les magistrats, et l’on vit soixante juges en robe, marchant deux à deux, suivre à la Bastille le misérable qui avait violé l’asile de la justice. Ce spectacle inoui arracha des larmes à quelques spectateurs, mais n’obtint que des huées de la populace qui avait suivi Bussy-Leclerc. Il y eut pourtant, comme toujours, des faiblesses et des capitulations. Un parlement de la ligue put se constituer, et sa présidence coûta la vie à l’un des hommes les plus savans de ce siècle, Barnabé Brisson, que la ligue immola le jour où il voulut résister à ses fureurs. Le reste de la cour, délivré des arrestations à prix d’argent, s’échappa peu à peu de Paris, et fut, sur l’appel du roi, siéger à Tours avec les autres corps restés fidèles au prince et à la loi de l’état.

Ce fut là qu’Henri III, n’ayant plus autour de lui qu’un petit nombre d’amis et d’autre armée qu’une faible troupe recrutée avec peine, reçut et accepta non sans hésitation (20 avril 1589) les offres de service du roi de Navarre, que les événemens de Blois et de Paris avaient rapproché de la cause royale. On vit alors la ligue catholique faire appel aux passions de la démagogie, tandis que les réformés venaient en aide à la cause monarchique. L’armée des deux rois, soutenue de quelques corps auxiliaires étrangers, marcha sur Paris et vint camper sur les hauteurs de Saint-Cloud. Les deux rois s’y préparaient au siège de la capitale, lorsqu’un moine jacobin se présenta le 1er août, vers huit heures du matin, au quartier du roi de France, alors établi dans une maison appelle le logis de Gondy, du nom du seigneur auquel elle appartenait, demanda d’être introduit pour affaire d’importance chez le prince, lequel était alors sur sa chaise percée, d’où il ordonna qu’on fît entrer le moine pour lui parler. C’était Jacques Clément, sorti de Paris pour tuer le meurtrier d’Henri de Guise, qu’il frappa en effet de deux coups de

  1. Plus de cinquante audiences furent employées aux débats de l’affaire de Cabrières et de Merindol, où les chefs du parlement de Provence eurent à rendre compte de leur abominable arrêt devant le parlement de Paris commis pour les juger (1553, l’exécution était de 1545).