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prévoyance militaire, prenait auprès du gouvernement l’initiative d’une proposition qu’on ne lui avait pas demandée, dont l’insuccès allait montrer une fois de plus de quelle étrange façon cette malheureuse guerre était conduite.

Le général Chanzy partait de ce point, qu’on connaissait désormais la limite de la résistance de Paris, que le moment d’agir était venu, qu’on ne pouvait arriver à un résultat que si toutes les forces dont on disposait concouraient simultanément à un but unique, d’après un plan arrêté, et ce plan, il le déroulait avec netteté, avec précision dans une lettre qu’il adressait au ministre de la guerre.


« Il me paraît indispensable, disait-il, que la première, la deuxième armée et celle aux ordres du général Faidherbe se mettent en marche en même temps : la deuxième armée, du Mans pour venir s’établir sur l’Eure entre Évreux et Chartres, couvrant sa base et ses lignes d’opération, qui sont la Bretagne et les lignes ferrées d’Alençon à Dreux, du Mans à Chartres, la première armée de Châtillon-sur-Seine pour venir s’établir entre la Marne et la Seine, de Nogent à Château-Thierry, prenant sa base et ses lignes d’opération sur la Bourgogne, la Seine, l’Aube et la Marne ; l’armée du nord, d’Arras pour venir s’établir de Compiègne à Beauvais, avec sa base d’opération sur les places du nord et sa ligne principale par le chemin de fer de Paris à Lille…

« Nos trois principales armées une fois sur les positions indiquées, se mettre en communication avec Paris et combiner dès lors les efforts de chaque jour avec des sorties vigoureuses de l’armée de Paris de façon à obliger les troupes d’investissement à se maintenir tout entières dans leurs lignes. Le résultat sera dès lors dans le succès d’une des attaques extérieures, et, si ce succès est obtenu, si l’investissement peut être rompu sur un point, un ravitaillement de Paris peut devenir possible, l’ennemi peut être refoulé et contraint d’abandonner une partie de ses lignes, et de nouveaux efforts combinés entre les armées de l’extérieur et de l’intérieur peuvent dans la lutte suprême aboutir à la délivrance… »


Les armées de province, telles qu’elles étaient composées, auraient-elles suffi à cette tâche ? Je ne sais ; c’était du moins un plan simple, rationnel, habilement conçu et répondant aux pressantes exigences de la situation de Paris. M. Gambetta ne répondait pas moins avec une certaine désinvolture au général Chanzy :


« Nous avons examiné votre plan avec l’attention la plus scrupuleuse. Il se rapproche sensiblement de celui que nous avions conçu nous-mêmes. Il s’en écarte toutefois par un point, la direction suivie par le général Bourbaki. En effet, au lieu de faire marcher ce général par