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un ordre de mouvement parti de l’état-major français. Ils étaient dès lors fixés sur les forces de Chanzy, sur la disposition de ses troupes, sur ses desseins. Rien ne pouvait être plus précieux pour l’ennemi et plus dangereux pour nous.

Ce n’est pas tout. Chanzy, en tenant tête sans pâlir aux différens corps qu’il avait devant lui, ne cessait de tourner ses regards vers la rive gauche de la Loire, par où l’ennemi pouvait s’avancer, déborder son aile droite et menacer même sa retraite, s’il arrivait à forcer le passage du fleuve. Le commandant de l’armée française ne négligeait rien pour conjurer ce péril ; il suivait la marche des Prussiens avec la vigilance la plus active, et il multipliait les ordres les plus énergiques pour la défense de la Loire, afin qu’on repoussât à outrance toute tentative de l’ennemi, sans trop se hâter cependant de couper des ponts qui pouvaient être utiles aux mouvemens de l’armée française elle-même. Il avait laissé à Blois le général Barry, qui n’avait plus que des débris de sa division, et il avait envoyé le général Maurandy au-delà de la Loire pour occuper le parc de Chambord avec des francs-tireurs. Par malheur, tout ce qui se passait hors de la vue du commandant en chef allait un peu à l’aventure, et le général Chanzy ne savait même pas toujours si ses ordres étaient exécutés. A dire vrai, la contradiction, l’effarement et le décousu régnaient partout, et naturellement le désordre conduisait à l’impuissance. Dès le 9, lorsque Chanzy maintenait encore si vaillamment sa ligne de bataille sur la rive droite, les Allemands, qui ne cessaient de s’avancer par la rive gauche, arrivaient à Chambord, enlevaient le parc et le château presque par surprise, et les forces françaises se rejetaient vers Amboise, tandis que l’ennemi paraissait aussitôt devant Blois.

Ici c’était une autre affaire. Il y avait un comité de défense avec lequel les généraux avaient à s’entendre. Pour le premier moment, on s’était mis à l’abri en coupant le pont, et, cela fait, on se débattait dans une confusion stérile et agitée. Il y avait à concilier les intérêts d’une grande ville menacée d’un bombardement et le salut de l’armée ; il y avait à organiser une résistance avec des soldats qui n’étaient plus des soldats, qui n’étaient que des débandés et des fuyards ramassés sur toutes les routes. D’un bord à l’autre du fleuve, on se défiait et on parlementait tour à tour avec l’ennemi. La chute de Blois n’était plus évidemment qu’une question d’heures, de sorte que, dès le 10 décembre, le général Chanzy, avec ses troupes exténuées de fatigue et de misère, se trouvait avoir à soutenir devant lui le choc d’une armée renforcée, et d’un autre côté il était menacé par Blois. Vainement il s’efforçait de communiquer son feu et son énergie, demandant à tous la fermeté et le