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odieuse, — il n’avait d’italien que la langue, mais la langue le tenait éloigné des Slaves. Il voulait l’autonomie de la province sous la protection de l’empire, sans aucune alliance avec les peuples voisins.

Au lendemain des désastres de l’Autriche, ce parti se trouva singulièrement affaibli. Un pays de langue italienne devenait dans l’empire une exception : il ne pouvait plus demander à la péninsule les services qu’elle lui avait longtemps rendus; se suffire à lui-même lui était impossible. L’Autriche maintint l’usage de l’italien comme langue officielle; elle n’avait à craindre aucune de ces velléités d’annexion dont les journaux de Florence et de Turin ont parfois parlé, mais qui, même à Trieste, n’ont jamais été sérieuses. Cependant la bourgeoisie et la noblesse se tournèrent de plus en plus vers la Croatie. Les noms de famille pour la plupart d’origine barbare avaient été romanisés; ils revinrent à leur première forme. En même temps les citonisca se multiplièrent à l’exemple de celles de Cattaro. Celles de Raguse et de Spalato avaient été fondées en 1863; ces sociétés s’établirent en 1866 à Sebenico, en 1867 à Trau, en 1870 à Sign, à Imoschi, à Macarsca, à Gelsa. Elles sont en relation avec Agram et Belgrade, reçoivent les recueils et les journaux slaves, font elles-mêmes des publications. Chaque ville de Dalmatie a une réunion de ce genre, mais partout aussi une société moitié italienne moitié allemande groupe les hommes restés fidèles aux anciennes opinions et surtout ceux des fonctionnaires qui sont étrangers. Le slave n’était pas enseigné dans les écoles, il y fut introduit, un collège où l’usage du dalmate serait exclusif fut fondé à Sign, de nombreuses réclamations firent admettre le slave dans les débats judiciaires; la diète obtint que la connaissance de l’italien ne suffirait plus pour les examens d’état qui donnent accès aux emplois publics. Une bibliothèque slave sous le nom de bibliotheca patria fut fondée à Zara. Pendant que M. Gliubich recueillait les antiquités des îles pour le musée d’Agram, M. Caznacich publiait le catalogue des manuscrits nationaux légués à Raguse par Culisch, faisait l’inventaire des richesses littéraires des Slaves du sud. Les archives de la Dalmatie fournissaient à l’académie d’Agram, à la grande publication slave entreprise par M. Miklosich des documens qui permettaient de retrouver l’histoire de la Croatie, de la Raschie, de la Schiavonie. La numismatique dalmate, à peine étudiée par Nisiteo et Steinbüchel, devenait une science grâce à M. Racki; M. Budmani, député au parlement, donnait pour la première fois une grammaire savante de la langue serbo-croate ou illyrienne. C’étaient Là de grandes nouveautés; ces progrès du mouvement slave modifiaient peu à peu la composition de la diète. En 1861, les Italiens avaient la majorité; 29 voix contre 13 se pronon-