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rie et de la Carinthie et la plus grande partie des confins militaires. Au centre nous trouvons les Bosniaques, les vieux Serbes et les Herzégoviniens. De ces Slaves, 1,151,000 sont indépendans, plus de 6 millions subissent la domination ottomane, 3 millions 1/2 appartiennent à l’Autriche-Hongrie. On voit facilement qu’ils sont répandus dans de vastes contrées dont les limites n’ont rien de précis. Ils se trouvent du reste partout mêlés à des hommes d’autres races, aux Magyars, aux Allemands, aux Roumains, aux Turcs, aux Italiens, aux Grecs même et aux Albanais.

De toutes ces provinces, la Dalmatie est peut-être celle qui permet le mieux de comprendre ce qu’il faut penser des aspirations des Slaves du sud. Seule, depuis que ces peuples ont passé le Danube, elle s’honore d’une culture intellectuelle qui remonte à quatre siècles ; elle possède une riche littérature, des archives plus riches encore ; elle a un passé qui commence à être bien connu, qui explique non-seulement l’état actuel de ce pays, mais les difficultés contre lesquelles luttent ses voisins de même race. C’est aux écrivains dalmates, aux chartes conservées à Raguse que les Croates, les Sclavons, toutes ces vieilles principautés qui ont eu une histoire si obscure, demandent aujourd’hui le peu qu’elles peuvent savoir du rôle qu’elles ont joué autrefois. Gouvernée par Venise, puis par l’Autriche, la Dalmatie s’est pénétrée des idées de l’Europe, non-seulement beaucoup plus que la Bosnie, mais que la Serbie et le Monténégro. Par cette province les Slaves du sud possèdent la mer ; de l’autre côte, sur le Pont-Euxin, les Bulgares ont abandonné les ports aux Grecs ; au nord de l’Adriatique, Trieste est une ville allemande ou plutôt cosmopolite. Le pays n’offrirait-il pas ce genre d’attrait, que la Dalmatie encore presque inconnue mériterait à tous égards d’être visitée[1]. La nature y présente d« beaux aspects ; l’artiste et l’historien y trouvent des monumens de tous les âges. On ne peut sans intérêt voir en détail ce qu’est l’administration provinciale dans l’empire d’Autriche ; enfin le souvenir de la France est encore vivant dans toute la contrée. Nous avons administré ce pays au début du siècle : nous y avons laissé de grands travaux d’utilité

  1. L’ouvrage à la fois le plus récent et le plus complet que nous ayons sur la Dalmatie est celui de sir John Wilkinson, Dalmatia and Montenegro, Londres 1848. Il a été traduit en allemand par Wilhem Adolf Lindau. Le livre de l’auteur anglais est loin de faire connaître l’état actuel du pays. On trouve des faits intéressans dans la description de Franz Petter, Dalmatien in seinen vorschiechnen Bezichungen, Gotha 1857, mais Petter se borne trop à la statistique et à la géographie physique de la province. L’abbé Fortis, qui a publié sur la province deux volumes excellens, est surtout un naturaliste : Voyage en Dalmatie, 2 vol. in-8o ; Berne 1778. La Dalmatie ancienne et moderne, de Levasseur, Paris 1861, n’est qu’un, résumé de ce qu’avait dit Fortis. Cette province a été jusqu’à ce jour si négligée qu’elle n’est décrite que d’une façon très imparfaite dans les guides allemands, anglais et français qui font autorité.