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dustriels ou dans les autres sphères du travail? Nous avons admis que leurs critiques peuvent être fondées sur plusieurs points dont nous n’avons pas contesté l’importance; mais là encore comment leur concéder le point principal, l’égalité complète, absolue, des droits de la femme et du mari dans tout ce qui touche à la direction de la famille et à la gestion des intérêts? Le pouvoir marital est battu en brèche. Et qu’on ne croie pas qu’il soit attaqué seulement par les enfans perdus du parti émancipateur; tous, M. Mill en tête, veulent l’effacer de la loi. On ne peut s’exprimer là-dessus avec plus de netteté qu’il ne le fait. « Il est parfaitement évident, dit-il, que les abus du pouvoir marital ne peuvent être réprimés tant qu’il reste debout. » — Citons encore cette phrase qui est un acte d’accusation en règle contre la constitution actuelle du mariage et l’affirmation la plus décisive de l’esclavage de la femme : « le mariage est la seule servitude réelle reconnue par les lois; il n’y a plus d’esclave reconnu par la loi que la maîtresse de chaque maison. » En France, comme aux États-Unis et en Angleterre, l’article du code qui parle de l’obéissance de la femme est dénoncé avec de véritables clameurs d’indignation. Ce mot malsonnant paraît une brutalité législative indigne de nations policées. Pas un seul des écrits, des discours où les droits de la femme sont revendiqués, dans lequel cet affreux article ne soit pour ainsi dire souffleté. Dans une conférence sur la femme au dix-neuvième siècle, M. E. Pelletan s’en prend à Napoléon Ier au sujet de cet article, dont il l’accuse d’être l’auteur. Parler de l’obéissance de la femme, c’est organiser le mariage comme un régiment; parler de la protection due à la femme par le mari, c’est faire une injure gratuite aux hommes. Le malheur est que le coupable est non pas Napoléon, mais saint Paul. Il est assez singulier de voir les émancipateurs tirer à eux l’autorité du grand apôtre parce qu’il a dit que le christianisme « ne connaît ni libre ni esclave, ni homme ni femme, » ce qui signifie que la loi chrétienne s’étend à tous. La soumission n’en est pas moins prescrite textuellement. Il est évident que cette soumission a pour limites la loi morale et la loi religieuse, et qu’elle n’implique pas plus le droit au despotisme que la consécration de l’esclavage. Il est puéril de s’en prendre à une question de mots. Les idées de commandement et d’obéissance se fondent et doivent se fondre de plus en plus, cela est évident, dans l’entente mutuelle qui suppose dans les rapports une égalité de fait.

Quant à l’égalité absolue, il faut tout l’aveuglement des émancipateurs pour ne pas voir qu’elle est impossible. Ne faut-il pas qu’en cas de conflit la question de droit soit résolue? Une autorité indivise, restant perpétuellement incertaine, aurait de tels inconvé-