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loue : « quand elles ont l’esprit bien fait, j’aime mieux leur conversation que celle des hommes; on y trouve une certaine douceur qui ne se rencontre point parmi nous, et il me semble, outre cela, qu’elles s’expliquent avec plus de netteté et qu’elles donnent un tour plus agréable aux choses qu’elles disent. » En indiquant ce qui fait leur charme, il indique aussi ce qui fait leur force. C’est de la même manière que les a jugées La Bruyère dans un charmant et profond chapitre. Les femmes de la révolution ne me font pas plus croire à leur vocation pour la politique que les femmes de la fronde. Elles agissent par entraînement, passion, parti-pris, poussent sans cesse aux mesures violentes. On sympathise avec Marie-Antoinette, femme, mère, martyre, mais ce n’est pas certes en elle l’homme d’état que l’on admire. Si grands que soient l’héroïsme et l’esprit de Mme Roland, peut-on en faire cas comme chef de parti et comme ministre? Et nous citons la femme la plus distinguée de la révolution; nous abandonnons à l’horreur qu’elles inspirent la lie des politiques femelles de la rue et du ruisseau. Au reste, Mme Roland ne plaidait point pour l’égalité intellectuelle de son sexe avec le nôtre; loin de là. « Je crois, écrivait-elle à Rose d’Antic, je ne dirai pas mieux qu’aucune femme, mais autant qu’aucun homme, à la supériorité de votre sexe à tous égards. »

En droit comme en fait, les argumens de M. Mill et des autres émancipateurs de la femme au point de vue politique, — et parmi ces derniers on peut chez nous citer M. Jules Favre, qui réclamait ces droits dans une conférence publique en 1870, — viennent échouer devant des objections que même le progrès intellectuel et moral des femmes, si grand qu’on le suppose dans l’avenir, ne saurait affaiblir sensiblement. C’est un droit pour les femmes de voter, dit M. Mill. Nous le nions. La théorie, en elle-même fort contestable, sur laquelle nous nous appuyons pour conférer à tous les hommes le droit de suffrage, n’empêche pas des conditions d’âge d’être requises. On admet qu’on peut y joindre aussi des conditions de résidence et d’instruction. La qualité de créature humaine ne suffit donc pas par elle-même pour impliquer nécessairement le droit au vote, et pour que le sexe cessât d’entraîner aucune incapacité et d’être, comme le dit M. Mil!, « une circonstance aussi indifférente que la couleur des cheveux et de la peau; » il faudrait établir ce droit sur des convenances d’utilité publique et l’appuyer sur un intérêt évident pour le sexe féminin lui-même. Qu’un certain nombre de femmes fût fort capable de l’exercer, cela ne fait pas question. Est-ce une raison suffisante pour lever la barrière? On répondra non, si la constitution des femmes, sujette aux maladies, aux grossesses, leurs devoirs domestiques si étendus, si absorbans, leur nature vive, passionnée, y créent de sérieuses et habituelles difficultés. A ces