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d’une fois éloquent, accompagne ces vœux de réforme. L’académie de Lyon a couronné un ouvrage en trois volumes sur la Femme pauvre au dix-neuvième siècle. Un probe accent se fait remarquer dans ce consciencieux travail. Quel exact et humiliant tableau des misères de la femme ! L’auteur, dans sa candeur indignée contre certains abus immoraux de la force et de la corruption, croit pouvoir presque toujours changer à l’aide des lois ce qui ne peut être efficacement corrigé que par l’amélioration des mœurs. Pourquoi faut-il que ce mauvais mot d’émancipation se retrouve trop souvent sous l’honnête plume de Mlle Daubié, et ajoute parfois une nuance de déclamation à un travail aussi digne d’éloges et très solide surtout dans sa partie économique ?

Ce mot d’émancipation, un savant jurisconsulte, M. A. Duverger, professeur de code civil à la faculté de droit de Paris, en repousse comme nous la légitimité. Il résume et apprécie la question dans un livre sur la Condition politique et civile des femmes, auquel il est bon de renvoyer ceux qui s’exagèrent à l’excès la facilité de changer les lois. L’auteur y combat, sans étroite prévention de jurisconsulte et sans fermer la route à de légitimes vœux d’amélioration, l’idée de l’émancipation politique des femmes. À de séduisans projets de réforme, portant sur leur condition dans la famille, il oppose, quand il y a lieu, des difficultés fondées sur la raison et sur l’expérience. Ce travail mérite d’être lu après les travaux antérieurs de M. Laboulaye, de M. Rathery, comme après le livre considérable de M. Gide, qui, d’un point de droit tout spécial, l’examen du sénatus-consulte Velléien, s’est élevé à des considérations générales d’une vraie valeur. M. Gide demande, lui aussi, que le législateur étende graduellement la capacité civile de la femme. Il appelle le moment « où le principe d’une égalité civile pour les deux sexes, pénétrant plus profondément dans les mœurs et dans les lois, effacera jusqu’aux derniers vestiges du sénatus-consulte Velléien. » On voit par ces exemples qu’il reste une marge suffisante entre l’esprit de routine qui met le signet au point précis marqué par les législations actuelles et l’esprit d’utopie qui ne reconnaît pas de bornes à l’innovation.

Si nous nous refusons à l’examen détaillé de ces livres, quelques-uns sérieux, où la question des droits des femmes est abordée au point de vue de la pratique plus souvent encore que de la pure théorie, quelle attention pouvons-nous accorder à tout ce tapage auquel donne lieu en ce moment la question de la femme ? Laissons M. Alexandre Dumas poursuivre sans pitié, dans un livre à sensation, la femme adultère avec moins de miséricorde que le Christ, dont il invoque pourtant le nom et les enseignemens. Que M. Émile de Girardin, effaçant jusqu’à la faute, lui réponde par un manifeste