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pour la rédaction de son rapport. Il craignit de surexciter la colère du pontife. Son récit est sobre, pénétré, grave. Il affirme que les gens sensés et honnêtes réprouvent les meurtres accomplis ; et, parmi les réprobateurs, il cite la reine-mère, malade, presque mourante. Avec son expérience consommée, avec son jugement plus juste que celui de son fils, moins prévenue et moins passionnée, elle apprécie, dit-il, la gravité de l’acte et en prévoit les conséquences.

Quant à la dépêche du roi adressée à M. de Pisani, elle mérite d’être conservée. L’auteur du crime, dit M. de Hübner, avait senti le besoin de s’excuser. « Le feu duc de Guise, écrivait le roi, pensait en brief exécuter son dessein, qui n’était moindre que de m’ôter la couronne et la vie. Il y allait aussi du repos de mes sujets… Vous informerez sa sainteté et vous lui direz que ses saintes et personnelles admonitions et l’exemple de sa justice m’ont ôté tout scrupule. Je m’assure ainsi qu’elle louera ce que j’ai fait, étant chose non-seulement licite, mais aussi pieuse, d’assurer le repos du public par la mort d’un particulier. » « J’oubliais, ajoute le roi en post-scriptum, de vous dire que je me suis aussi déchargé de feu le cardinal de Guise, qui avait été l’impudent de dire qu’il ne mourrait point qu’il ne m’eût tenu la tête pour me raser et faire moine. » Le roi terminait cette dépêche qui confond par un dernier trait : « j’ai délibéré de reconnaître les bons offices que me rend le cardinal de Montalto (neveu du pape), d’une partie des dépouilles du cardinal de Guise, dont vous lui pourrez toucher quelques mots, si vous croyez qu’il soit à propos. »

M. de Pisani fut reçu le 6. Il trouva le pape irrité, mais contenu, affectant un calme sévère. Il fut très bref avec l’ambassadeur, vis-à-vis duquel il se réservait ; mais il s’emporta en causant de l’événement avec l’ambassadeur de Venise, qui suivait celui de France, et il accusa Grégoire XIII et ses conseils d’être les principaux auteurs de tous ces maux. Olivarès se rendit aussi au Vatican, et s’anima beaucoup dans l’entretien qu’il eut avec le pape. Après Olivarès, ce fut le tour du cardinal de Joyeuse, protecteur de France dans le sacré-collège. L’abord fut vif, et une discussion s’engagea. Le pape dit qu’il devait blâmer le duc de Guise de s’être armé contre son roi ; quoiqu’il choisît la religion pour prétexte, il n’avait pas le droit de s’insurger contre son prince et de lui imposer la loi ; que, si pour ce motif le roi l’avait fait juger et punir, il n’y aurait eu rien à dire, on n’eût pu que l’approuver. Quant à l’acte du duc de Guise, d’être venu à Paris malgré la défense du roi, il était également coupable ; on aurait pu pour cela lui faire son procès, et, quand il eut la hardiesse de se présenter au Louvre, si le roi