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d’enfant mâle, et d’avoir violé les droits de la nature pour sauver la religion[1].

Tel fut le détestable instrument que la politique et l’ambition mirent aux mains des Guises et de Philippe II. C’est un douloureux épisode de la grande réaction catholique du XVIe siècle, non qu’il soit juste d’en mettre la responsabilité au compte du catholicisme, mais qui prouve combien est périlleux l’emploi de certains moyens en religion comme en politique. Le cardinal de Bourbon ne se doutait point à Péronne, en 1576, de l’incendie qu’il allumait dans son pays. Quant à la papauté, elle fut débordée par les passions de la ligue, et pour ce qui est de Sixte-Quint en particulier, sa correspondance, relevée par M. de Hübner, et la correspondance du duc de Nevers prouvent que la ligue lui fut toujours profondément antipathique. Il n’était plus le maître de diriger un mouvement engagé, mais, quand il fut libre d’agir, il montra sa préférence pour une autorité réglée et tutélaire : catholique sans doute. Sixte-Quint pape ne pouvait rêver autre chose, mais avec une profonde aversion pour les procédés révolutionnaires, quelle qu’en fût la couleur. Philippe II lui écrivait : « C’est à sa sainteté de pourvoir à ce qu’un but aussi important que l’extermination de l’hérésie en ce royaume ne soit pas manqué par défaut de zèle. » Sixte-Quint possédait le trésor le mieux garni de la chrétienté, sans en excepter l’Espagne. On ne put jamais lui arracher une obole pour soutenir en France la ligue catholique. Il était plein de mépris pour Henri III, et il n’avait aucun penchant pour l’ambition désordonnée des Guises, malgré certaine estime pour leur personne. Il ne voulut pas leur donner de l’argent. Le détail des intrigues qui furent inutilement ouvertes pour obtenir des subsides du pape est très intéressant dans la correspondance. En une lettre d’Olivarès à Philippe II, on voit que Sixte-Quint avait refusé même toute approbation publique de la ligue « parce que l’ambassadeur de France (M. de Pisani) avait montré à sa sainteté des pièces qui prouvaient que la sainte union et les princes coalisés poursuivaient d’autres fins que celles qu’ils avouaient, et étrangères à la cause de la religion; » ce qui n’empêcha pas plus d’une fois, comme nous l’avons dit, que le pape n’eût la main forcée par les partis espagnol et ultramontain, et ne fût contraint à des démonstrations compromettantes. L’ouvrage de M. de Hübner fournit la preuve de ces luttes incessantes dans les conseils de la cour romaine, et le personnage de Sixte-Quint en ressort avec sa vive, brusque et profonde originalité. Du

  1. Ces atroces folies sont consignées dans un écrit (l’Advertissement d’un catholique anglais), qui fut très répandu en 1586, et qu’on peut lire encore dans les Archives curieuses de l’histoire de France, t. XI. On trouve la réponse de Duplessis-Mornai dans la compilation connue sous le nom de Mémoires de la ligue, t. Ier, p. 415.