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les députés en mesure de bien juger la situation, qu’on n’avait d’ailleurs aucun intérêt à leur dissimuler. Les commissions du Reichstag, surtout celle de finances, discutèrent sérieusement avec le conseil d’état les lois et les impôts proposés : les députés Westfeld, Culemann, Thorbecke, Holzbauer, luttèrent énergiquement, parfois avec succès, contre les exigences du ministre des finances. On avait fait distribuer à tous les députés un exemplaire imprimé de chacun des projets de lois. Naturellement toute la chaleur de la discussion était réservée pour les bureaux; en séance publique, les débats étaient calmes, froids, méthodiques. Devant les législateurs plus ou moins attentifs, le rapporteur du conseil d’état faisait l’éloge du projet de loi; l’orateur de la commission le remplaçait à la tribune pour j’appuyer ou le combattre, puis on votait au scrutin secret. Ce mode de votation, injustifiable pour des députés qui dépendraient vraiment de leurs commettans, était nécessaire pour assurer quelque indépendance à des représentans qui émanaient jusqu’à un certain point du pouvoir royal. Le prince se faisait rendre compte soigneusement du chiffre des suffrages : lorsqu’il s’y rencontrait un tiers de boules noires, il montrait beaucoup d’irritation; c’étaient là des choses en effet qui ne se voyaient pas au corps législatif de France. Ordinairement les suffrages négatifs étaient en infime minorité; pourtant, dans la session de 1808, on remarqua que deux boules noires se reproduisaient toujours obstinément sur quelque question que ce fut ; elles étaient déposées par deux paysans, l’un de la Werra, l’autre de la Saale. Ils ne firent pas mystère du motif de cette opposition en apparence si acharnée. « Le plus souvent ils ne comprenaient pas très bien l’objet du débat. Ne voyaient-ils pas que d’habiles hommes soutenaient le projet de loi et que d’autres, non moins habiles, le combattaient? Le meilleur moyen de rassurer leur conscience était de voter non ; si la loi était réellement bonne, deux boules noires ne pouvaient l’empêcher de passer; si elle était mauvaise, il n’y aurait jamais assez de boules noires. »

Chacune des deux sessions westphaliennes fut terminée par un discours de clôture, auquel les députés répondaient par une adresse de remercîment au roi. C’est Jean de Müller qui prononça le discours de 1808; on y remarquait cette phrase sur Napoléon : « celui devant qui le monde se tait, car entre ses mains Dieu a mis ses destinées... » C’est le professeur Leist, alors conseiller d’état, qui congédia le Reichstag de 1810.

Dans la constitution westphalienne, les états avaient plus d’éclat aux yeux du public; mais le conseil d’état était le rouage le plus essentiel. Cette assemblée, de seize à vingt-cinq membres, ne tarda pas à se remplir de noms illustres, de capacités distinguées de l’Al-