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progrès notable. Cette assemblée, qui restait ouverte à tout citoyen de mérite qu’aurait distingué la confiance des électeurs choisis par le roi, valait mieux que les états aristocratiques de la Hesse, du Brunswick, de la Prusse ou des anciens évêchés. Dans ces vieux Landstände, il n’y avait que des députés de la noblesse, du clergé, des villes, qui venaient y défendre uniquement des intérêts de caste et de corporation; maintenant on pouvait espérer de voir dans le Reichstag de Westphalie des citoyens se préoccuper des intérêts généraux. Les anciens états étaient fort propres sans doute à conserver les anciennes libertés, libertés exclusives et égoïstes, fondées sur l’inégalité, le privilège, l’oppression des dissidens par la religion d’état, l’humiliation du bourgeois devant le noble, l’exploitation du compagnon par les jurandes, l’abrutissement du paysan dans le servage; ils pouvaient bien conserver leurs libertés, mais non fonder la liberté, encore bien moins l’égalité. Cette représentation nouvelle de la Westphalie, si imparfaite, si mutilée, si enchaînée, si dépendante qu’elle fût, était un meilleur instrument de progrès. Malheureusement le créateur de la constitution westphalienne était un étrange ouvrier, qui ne pouvait prendre sur lui de ne pas briser ou fausser ses propres créations. Il donnait des constitutions aux peuples comme des couronnes aux princes; il ne s’engageait point à les respecter.


III.

Et pourtant quels sages conseils dans la bouche de celui qui fit de la fortune un abus si insensé ! Napoléon n’aurait peut-être point perdu la France, s’il eût été bâti de façon à pouvoir suivre les avis qu’il donnait à son frère :


« Vous trouverez ci-joint la constitution de votre royaume... Vous devez la suivre fidèlement... N’écoutez point ceux qui vous disent que vos peuples, accoutumés à la servitude, recevront avec ingratitude vos bienfaits. On est plus éclairé dans le royaume de Westphalie qu’on ne voudrait vous le persuader... Il faut que vos peuples jouissent d’une liberté, d’une égalité, d’un bien-être inconnu aux peuples de la Germanie... Cette manière de gouverner sera une barrière puissante qui vous séparera de la Prusse plus que l’Elbe, plus que les places fortes et que la protection de la France. Quel peuple voudra retourner sous le gouvernement arbitraire prussien quand il aura goûté les bienfaits d’une administration sage et libérale? Les peuples d’Allemagne, ceux de France, d’Italie, d’Espagne, désirent l’égalité et veulent des idées libérales. Voilà bien des années que je mène les affaires de l’Europe, et j’ai eu lieu de