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ticles avaient en vue la bonne constitution du nouvel état sur les bases d’une monarchie héréditaire, d’une assemblée représentative et de l’égalité des sujets devant la loi. En devenant roi en Allemagne, Jérôme restait un prince français, soumis, lui et les siens, « aux dispositions du pacte de la famille impériale. » Napoléon se réservait pour lui et ses descendans l’héritage éventuel de la couronne westphalienne en cas d’extinction de la dynastie, et en cas de minorité la nomination du régent. La liste civile du nouveau roi était fixée à 5 millions.

La constitution proclamait la suppression de toute corporation ou corps privilégié, l’abolition du servage et de tous les droits qui en découlent[1], la révocation de tout privilège en matière d’impôt, de justice, d’admissibilité aux charges. Napoléon poussait le souci égalitaire jusqu’à exiger la réforme « des statuts dans les abbayes, prieurés ou chapitres du royaume,... de telle sorte que tout sujet du royaume puisse y être admis[2].» Le royaume serait administré par quatre ministres[3] : outre le ministre d’état, un ministre pour l’intérieur et la justice, un pour la guerre, un pour les finances, le commerce et le trésor. Le conseil d’état serait divisé en trois sections correspondantes à ces trois ministères. Les états du royaume, investis du vote de la loi et du vote de l’impôt, auraient également à nommer trois commissions. Tout projet de loi devait être discuté entre une commission des états et une section du conseil d’état; puis un orateur de la commission et un orateur du conseil porteraient le débat devant l’assemblée. Celle-ci, comme le corps législatif de l’empire, écouterait silencieusement et voterait au scrutin secret. Qui ne reconnaît ici l’étrange conception de Sieyès, devenue, entre les mains d’un habile despote, la commode constitution de l’an VIII et de l’an X? Où l’on reconnaît encore sa fameuse maxime, la confiance vient d’en bas et le pouvoir d’en haut, c’est dans le système électoral de la Westphalie. Seulement Napoléon avait renversé les termes du problème. Tandis qu’en France les électeurs élus par d’autres électeurs présentaient à la nomination du gouvernement les listes de candidats pour le corps législatif, le tribunat, les charges publiques, en Westphalie, c’était le roi qui nommait les électeurs de chaque collège départemen-

  1. Sur le servage en Westphalie, voyez un rapport du baron de Stein (10 mars 1806) au roi de Prusse dans Pertz, Stein’s Leben, t. Ier, p. 199-202, et les décrets royaux du 23 janvier 1808, du 25 juillet 1811, etc., dans le Moniteur westphalien.
  2. Un décret royal du 10 janvier proscrivit les splendides cordons qui paraient la poitrine des chanoines nobles; sous peine de saisie du temporel, leur croix ne devait être suspendue qu’à un simple ruban uniforme, « de couleur noire, de 54 millimètres de largeur. »
  3. Chaque ministre avait 60,000 francs de traitement et 20,000 francs de frais de maison !