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villes qui s’étaient signalées entre toutes dans la guerre contre les Anglais, Charles VII, pour honorer les parens de Jeanne d’Arc, leur avaient donné le droit d’ajouter à leurs armoiries un chef des armes de France. Louis XIV, pour récompenser La Vallière d’avoir mis au monde une fille naturelle, illustra son blason des trois fleurs de lis dont ses ancêtres avaient fait le symbole du patriotisme, et Louis XV acheva l’avilissement des dignités et des titres en créant Mme d’Étioles marquise de Pompadour et la fille Lange comtesse Du Barry.


II.

Désastreuse pour l’administration, qu’elle peuplait de créatures indignes ou incapables, pour l’église, qu’elle avilissait en faisant tomber en quenouille l’investiture par la crosse et l’anneau, pour les finances, qu’elle livrait au gaspillage, l’influence des favorites n’a pas été moins désastreuse au point de vue de la politique générale. Chaque fois qu’elles sont intervenues dans les affaires du royaume, elles n’ont fait qu’y porter le trouble et le désordre, et les glorifications dont quelques-unes ont été l’objet ne sont que l’écho des flatteries mensongères des poètes ou des courtisans.

D’après une vieille tradition invariablement reproduite dans la plupart des livres modernes, Agnès Sorel, la dame de beauté, aurait arraché Charles VII à sa torpeur et provoqué les mesures qui amenèrent l’expulsion des Anglais. Agnès se trouverait ainsi associée à la gloire de Jeanne d’Arc; mais ce n’est là, pour l’honneur de Jeanne et pour l’honneur de la France, qu’une légende mise en avant au XVIe siècle par un roi, François Ier, qui avait intérêt à réhabiliter l’influence des femmes de cour, et par un poète et un gentilhomme qui pensaient avancer leur fortune auprès de celles qui régnaient sur leur maître, comme Agnès avait régné sur Charles le Victorieux. Le signal de la réhabilitation a été donné par François Ier dans ce quatrain célèbre :

Gentille Agnès, plus d’amour tu mérite,
La cause étant de France recouvrer,
Que ce que peut dedans un cloître ouvrer
Clause nonnain ou bien dévot ermite.


Brantôme, au sixième discours des Dames galantes, a paraphrasé en prose le quatrain royal. Baïf, à son tour, l’a paraphrasé en vers dans une espèce d’héroïde où la dame de beauté cherche à stimuler le courage du roi de Bourges :

Vous aimant, je ne puis souffrir que l’on médise
De votre majesté, que, pour être surprise