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rence de Paris et à demi désorganisé déjà par celle de Vienne. Elle a repoussé d’ailleurs les innovations qui étaient proposées dans cet ordre d’idées, comme par exemple la dépêche « garantie. » On demandait que le public pût « assurer » un message en payant une certaine somme qui lui serait remboursée au décuple, ou même dans une proportion plus forte, si le télégramme venait à être perdu ou gravement altéré[1]. Du moins, — mais ce n’était guère là qu’une question de forme, — les délégués introduisirent dans le traité cette mesure libérale qui consiste à affranchir le public des frais de poste surajoutés dans certains cas à la taxe télégraphique. On se rappelle qu’une déclaration spéciale avait été signée à Vienne à ce sujet, et qu’un très petit nombre de puissances était resté en dehors du concert commun : à Rome, l’accord fut général, et la mesure prit place parmi les articles du traité.

Pour peu qu’on ait suivi les indications que nous avons données tout à l’heure au sujet de la puissance naissante des compagnies sous-marines, on comprendra que là était la principale difficulté pour la conférence de Rome. Elle était appelée à régler la situation relative des états et des compagnies. Déjà la commission de Berne avait eu à s’occuper d’un incident provoqué par l’incertitude de cette situation. A Rome, il ne s’agissait plus seulement d’une question particulière, mais de la convention tout entière, qu’il fallait rendre acceptable par les compagnies.

En premier lieu, il fallut déterminer quels rapports auraient avec la conférence les agens que toutes les sociétés privées avaient envoyés à Rome. Quelques délégués déclaraient que l’assemblée devait conserver strictement son caractère gouvernemental, et que chaque compagnie pourrait faire défendre ses intérêts par l’agent officiel du pays auquel elle appartenait. D’autres pensaient qu’on ne pouvait se dispenser d’entendre directement les agens mêmes des compagnies, mais que, sans les introduire au sein de la conférence, on pourrait les faire venir dans les sous-commissions tenues en dehors des réunions générales. On proposait encore, toujours dans un esprit de conciliation, d’admettre, et cette fois dans la conférence même, un agent unique pour toutes les sociétés. Ici une objection se présentait : différens groupes de compagnies pouvaient

  1. Certaines compagnies américaines en agissent ainsi depuis plusieurs années : l’expéditeur peut assurer sa dépêche pour la somme qu’il juge convenable et paie une prime calculés en conséquence. Nous estimons toutefois que la conférence de Rome a fait preuve de sagesse en refusant d’entrer dans cette voie. Si la poste peut assurer des lettres ou paquets dont la perte matérielle est facile à constater, la télégraphie se trouve en face de conditions moins simples, d’où résulteraient sans doute de sérieux embarras.