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et qui à coup sûr a donné l’idée de l’Histoire diplomatique de Frédéric II que nous devons à M. le duc de Luynes et au regrettable Huillard-Bréolles. Ainsi la science a profité de l’exagération d’impartialité dont s’est piqué M. Hurter et dont, heureusement pour la vérité, le grand et bel ouvrage de M. de Raumer tempère quelque peu les effets[1]. La publication de Hurter coïncidait avec celle de Voigt sur Grégoire VII, qui eut autant de succès avec moins de mérite, et qu’a fait presque oublier la grande Histoire de Grégoire VII de M. Gfrörer. C’était une juste réaction contre une ancienne école trop absolue et trop superficielle dans ses appréciations arrêtées. Sous cette impulsion, la littérature de l’histoire de la papauté s’est donc enrichie, soit à l’étranger, soit en France, de travaux utiles et savans, comme la collection des anciennes biographies papales[2] de Watterich, les Regestes de Jaffé, les publications de Theiner, et d’autres ouvrages de lecture courante qui, alors même qu’ils proviennent d’un esprit systématique, portent la trace de la rénovation profonde accomplie de notre temps dans l’ordre des études historiques ; la direction particulière des recherches de Ranke a surtout prévalu dans le monde des érudits. C’est d’elle que relève le livre de M. de Hübner.

Sixte-Quint n’a été pendant longtemps connu du public que par l’histoire qu’en avait donnée Gregorio Leti[3], dont l’imagination désordonnée comme sa vie n’a su revêtir le mensonge des agrémens de l’esprit ; ce qui ne l’a pas empêché de trouver crédit pour les récits faux et burlesques qu’il a accumulés et offerts à la curiosité des lecteurs peu difficiles. À cela joignez les opinions erronées eu passionnées des partis politiques, au milieu desquels Sixte-Quint a dû tracer sa voie, et l’on comprendra que ce grand pape ait été partialement jugé, inexactement apprécié, incomplètement connu, avant que le grand jour fût fait sur sa mémoire ; ce jour est venu tard et lentement. Au milieu du siècle dernier, pour la première fois (1754), un moine italien, le père Tempesti, écrivain laborieux et sensé, cordelier comme avait été Sixte-Quint, entreprit de

  1. Voyez l’Histoire des Hohenstaufen et de leur temps (en allemand), par M. Fréd. de Raumer, 3e édit., 1857-58, en 6 vol. in-8o. — Cette vaste composition aurait bien mérité d’être traduite en notre langue ; le livre de M. de Cherrier, conçu dans un autre esprit, ne la remplace pas.
  2. Voyez Pontificum romanorum vitæ, éd. Watterich ; Lipsiæ 1862 ; 2 vol. gr. in-8o. — Regesta pontilicum romanorum, édid. Ph. Jaffé ; Berlin 1851, in-4o. Joignez-y les Monumenta Gregoriana du même auteur, Berlin 1865, in-8o, et les articles de M. Rocquain dans le Journal des Savans de 1871-72. — l’Histoire du pontificat de Clément XIV, par le père Theiner, a paru en 1823, 2 vol. in-8o, et le Codex diplomaticus dom. temporalis du même auteur, en 1862, 3 vol. in-fol.
  3. Publiée d’abord en langue italienne à Lausanne en 1669 ; traduite en français en 1685, 2 vol, in-12 ; réimprimée plusieurs fois, texte et traduction, en Hollande, à Paris et ailleurs.