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et les forêts sont peuplés de bombyx qui produisent de la soie ; presque sans peine les Malgaches recueillent les cocons, et la soie entre les mains des femmes est convertie en tissas servant à confectionner les plus beaux lambas. En l’absence d’observations de la part des naturalistes, longtemps on demeura dans une ignorance complète au sujet des insectes qui fournissent la précieuse matière textile. C’est aux recherches de Charles Coquerel et du docteur Vinson que nous devons d’être aujourd’hui un peu renseignés à cet égard. Divers bombyx de taille moyenne et de couleur brune ou fauve sont très répandus sur la Grande-Terre[1] ; les chenilles vivent sur des cytises connus sous le nom vulgaire d’ambrevates ; arrivées au terme de la croissance, chacune, de même que notre ver à soie ordinaire, file son cocon. Sur la côte orientale, les habitans se contentent de la récolte des cocons ; plus industrieux que les autres et moins favorisés sous le rapport des ressources du pays, les Ovas ont créé la sériciculture. Ils font des plantations d’ambrevates, nous apprend M. Aug. Vinson, et sur ces arbrisseaux ils élèvent quantité de bombyx ; les uns sont réservés pour la soie, les autres pour la table, car à Madagascar, comme en Chine et en beaucoup d’autres lieux du monde, les chrysalides constituent un mets fort estimé.

Plusieurs fois on avait apporté en Europe des nids ou plutôt d’immenses poches soyeuses remplies de cocons. Il avait été facile d’y reconnaître l’ouvrage de chenilles travaillant à la manière de notre bombyx processionnaire. Ch. Coquerel a observé les ouvriers, et il en a distingué deux espèces : le bombyx Radama et le bombyx Diego[2], le premier n’est pas rare aux environs de Tamatave et de Foulepointe, le second a été découvert à la baie de Diego-Suarez. Les chenilles vivent sur les arbres de la famille des acacias qu’on appelle les intsis[3] ; lorsque le moment de la métamorphose approche, elles se réunissent et filent en commun la poche qui doit les protéger toutes ; chacune ensuite s’enferme dans un cocon particulier. Rien de plus étrange, disent les voyageurs, que de voir suspendus aux branches d’arbres ces nids énormes ayant quelquefois plus de 1 mètre de longueur. Les Malgaches ne savent pas dévider les cocons ; ils les convertissent en bourre qu’on file à la quenouille. Cette matière n’a pas tout à fait le brillant de la soie ordinaire, mais elle est très solide. Nous ne connaissons certainement pas encore tous les bombyx de Madagascar, et de nouvelles

  1. Borocera madagascariensis Boisduval, Borocera Cajani, Bombyx Fleurioti, Guérin,
  2. Bulletin de la Société d’acclimatation, 1855, et Annales de la Société entomologique, 1866.
  3. Intsi madagascariensis.