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ser Napoléon de chercher, par ses déclamations contre Brunswick, à se créer un droit à le dépouiller? Le seizième bulletin (23 octobre 1806) fut l’explosion de l’orage. Le malheureux duc avait envoyé à l’empereur son maréchal du palais pour lui recommander ses états. « L’empereur lui a dit : — Si je faisais démolir la ville de Brunswick et si je n’y laissais pas pierre sur pierre, que dirait votre prince? La loi du talion ne me permet-elle pas de faire à Brunswick ce qu’il voulait faire dans ma capitale?.. » Et parmi trois pages de développemens semblables : « — Dites au général Brunswick, concluait le bulletin, qu’il sera traité avec tous les égards dus à un officier prussien, mais que je ne puis reconnaître dans un général prussien un souverain... » S’il était juste de ne traiter le général Brunswick que comme un feld-maréchal prussien, si son attitude pendant cette guerre justifiait l’occupation de ses états, à quoi bon ce débordement d’éloquence révolutionnaire et soldatesque? Napoléon pouvait-il ignorer qu’en 1806, pas plus qu’en 1792, Brunswick n’avait été « le premier à courir aux armes? » Ne savait-il pas que le fameux manifeste n’était point l’œuvre de Brunswick, que sa signature avait été surprise, et que la célèbre phrase sur la subversion de Paris avait même excité son indignation[1] ? Si on pouvait lui reprocher beaucoup de faiblesse, pouvait-on lui faire un crime de n’avoir pas tenu à la reine de Prusse le langage peu courtois que lui conseillait et que se permettait Napoléon : « Femmes, retournez à vos fuseaux et rentrez dans l’intérieur de vos ménages?.. »

La colère de Napoléon contre la maison de Brunswick s’exhalait en toute occasion. « Vous voyez ce que j’ai fait du duc de Brunswick, disait-il au chancelier du duc de Weimar. Je veux renvoyer ces Welfs dans les marécages italiens d’où ils sont sortis. Je veux les fouler et les anéantir... comme ce chapeau,... et qu’on ne se souvienne plus d’eux en Allemagne[2]. » Le décret du 23 octobre, daté de Wittemberg, ne laissa plus aucun doute sur les intentions de l’empereur. Ordre était donné d’occuper les états de Brunswick et d’Orange, de désarmer le pays, d’envoyer les troupes prisonnières en France. « Déclaration sera faite que ces pays ne doivent plus rentrer dans la possession desdits princes. « 

Trois jours avant la mort du duc de Brunswick, son quatrième fils Frédéric-Guillaume, héritier du duché d’OEls en Silésie[3], capitulait à Ratkau avec Blücher, le duc de Weimar, Scharnhorst,

  1. Voyez Sybel, Geschichte der Revolutionszeit, et surtout les Mémoires tirés des papiers d’un homme d’état.
  2. F. von Müller, Erinnerungen.
  3. Depuis la mort de son oncle en 1805.