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eut les vivres coupés; les Müller, les Forster, les Sœmmering, les Dohm durent aller chercher fortune ailleurs. Même dans le militaire il ne voulait pas de dépenses de fantaisie : il fondit la garde dans les régimens de ligne. Tout le monde était soldat dans la Hesse-Cassel : 33,000 hommes sur 500,000 habitans portaient l’uniforme ; mais il distinguait entre régimens de campagne, régimens de garnison ou milices rurales, et ne donnait de solde qu’aux premiers, environ à 4,000 ou 5,000 hommes. Le soldat et le sous-officier étaient instruits, honnêtes, braves, aveuglément dévoués au maître. Le corps d’officiers au contraire était médiocre : les minuties et l’avidité mercantile de l’électeur rebutaient ceux qui avaient conscience de leur mérite; ils prenaient du service à l’étranger. Les instincts autoritaires du prince ne lui permettaient pas d’ouvrir le corps d’officiers aux «bas-officiers ; » il ne restait donc plus pour commander l’armée qu’une noblesse incapable, insolente pour le bourgeois, dure pour le soldat, d’autant plus servile plus tard devant les conquérans étrangers.

Ces troupes ne recevaient d’instruction sérieuse que sur les champs de bataille britanniques. L’électeur n’entendait rien à l’art de Frédéric II. En revanche, il passa, dit-on, plus d’une année à disputer avec ses conseillers « la question du raccourcissement des queues. » Il sortit de ses méditations un règlement fameux où la longueur, la grosseur de cet appendice militaire, la forme du nœud, la couleur du ruban, étaient soigneusement déterminées. « La queue, dit Kœnig, était le pendule qui, dans l’administration comme dans la société, mettait tout en mouvement. » Guillaume, malgré tant de vicissitudes, resta fidèle à ce grand principe. Lorsqu’en 1813 il fut restauré dans ses états, son premier soin fut de restaurer les queues, supprimées par le roi Jérôme et l’empereur Napoléon; mais, comme ces deux usurpateurs avaient fait couper les cheveux de l’armée, il fallut bien se contenter, pendant quelque temps, de queues postiches. Des étudians de Gœttingen, qui s’étaient permis de se promener en voiture avec t’es queues gigantesques qui tombaient des portières jusque sous les roues, faillirent s’attirer une mauvaise affaire.

L’électeur était fort soigneux de sa fortune. Le jour de son avènement, les états du pays lui offrirent un don gratuit de 100,000 thalers. Il refusa en déclarant que, « bien éloigné de vouloir augmenter les charges de ses fidèles sujets, il ne songeait au contraire qu’à les diminuer; » mais, avant la fin de la session, il leur présenta une note de 1,100,000 thalers, qu’on était censé redevoir à la couronne pour les impôts arriérés depuis 1704. Pour encourager le commerce et l’industrie, il prêtait à ses sujets, mais ne prêtait qu’aux riches : il faisait impitoyablement rentrer les capitaux à l’échéance et per-