Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/381

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les amendemens, les contre-projets arrivèrent donc en foule sur le bureau de la conférence. Ceux qui ne se proposaient pas encore d’établir un tarif général voulaient du moins restreindre par certaines règles la liberté laissée aux états. C’est ainsi que l’on battit en brèche le pouvoir, que des pays de vaste étendue voulaient se réserver, de diviser leur territoire en deux grandes circonscriptions comportant deux taxes différentes. Il avait bien été convenu que les colonies et les territoires hors d’Europe étaient exceptés des arrangemens en voie de conclusion. La Russie et la Turquie notamment, avant d’envoyer leurs agens à Paris, avaient spécialement déclaré qu’elles n’entendaient traiter que pour leurs possessions européennes et laissaient entièrement de côté les provinces asiatiques. Pour les terres européennes même, des réserves explicites étaient faites : la cour de Saint-Pétersbourg avait mis pour condition expresse de sa participation aux conférences que la Russie d’Europe pourrait être partagée en deux régions. On s’était résigné à cette exception, et la Russie avait un droit incontestable à la maintenir. Cependant le délégué de l’Espagne, faisant table rase des réserves diplomatiques, s’éleva avec une grande vivacité contre la mesure privilégiée dont la Russie était l’objet. Cette énergique opposition refoula les prétentions qui étaient sur le point de se produire, et elle triompha même jusqu’à un certain point de la détermination prise par l’administration russe; celle-ci se contenta de classer dans une catégorie spéciale les bureaux du Caucase, et ce fut la seule exception admise en Europe au principe général.

On cherchait en même temps à établir d’autres règles au sujet des taxes « terminales » et au sujet des taxes « de transit. » Les délégués avaient en effet été amenés par la discussion à distinguer, dans le tarif international, ces deux élémens qui se définissent d’eux-mêmes ; d’une part les taxes qui reviennent à chaque état pour les dépêches qu’il expédie ou qu’il reçoit, d’autre part les taxes qui reviennent aux intermédiaires pour les dépêches qui ne font que traverser leur territoire. Ici les questions générales se pressaient. Quel rapport y aurait-il entre les deux sortes de taxes? La taxe terminale serait-elle forcément la même que celle de transit? ou bien en serait-elle une portion déterminée? — Obligerait-on chaque état à n’avoir qu’une seule taxe de transit? Par exemple le transit austro-germain serait-il le même entre les frontières de France et de Russie d’une part, entre la Baltique et les Alpes d’autre part? — Si la taxe de transit variait, serait-elle du moins fixe dans chaque sens déterminé? L’union allemande par exemple, en recevant des dépêches sur le Rhin pour les transmettre à la frontière russe, serait-elle forcée de faire las mêmes conditions aux dépêches