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dehors, qui trouvaient eux-mêmes en lui un précieux appui. C’était entre la cité westphalienne et les Pays-Bas un échange perpétuel de correspondances secrètes. Les anabaptistes de Münster faisaient leur appel aux frères néerlandais, les pressant d’abandonner une terre d’affliction pour venir se joindre à ceux qui fondaient le royaume des saints, et les lettres trompaient si bien la vigilance de la police, les intelligences étaient si habilement ménagées que les communautés des Pays-Bas purent sans grande difficulté expédier leurs membres les plus ardens pour la nouvelle Jérusalem. L’émigration, d’individuelle qu’elle avait été d’abord, devint générale; c’était une véritable croisade. Aussi dans les premiers jours de mars 1534 la ville avait-elle reçu un contingent considérable d’étrangers, soldats plus dévoués encore à Mathys que les hommes des gildes, et animés d’un enthousiasme plus aveugle. En Néerlande, la secte se crut bientôt assez forte pour n’avoir plus besoin de dissimuler ses projets, et ses adeptes ne faisaient plus mystère du but de leur voyage; ils s’embarquaient en foule sur les schuites pour remonter la Meuse et le Rhin; ils frétaient des bâtimens pour traverser le Zuiderzée; ils ne cachaient pas les armes qu’ils portaient avec eux et dans lesquelles ils mettaient surtout leur confiance, bien qu’ils en ignorassent pour la plupart le maniement. Ces démonstrations imprudentes finirent par amener l’intervention de l’autorité. On s’opposa au départ des émigrans, on saisit les bâtimens où ils avaient pris passage. A l’île de Schockland, dans le Zuiderzée, il n’y eut pas moins de vingt et un navires sur lesquels l’embargo fut mis et où 3,000 anabaptistes prêts à s’embarquer furent arrêtés. Dans l’Over-Yssel et le duché de Clèves, l’on emprisonna ceux qui se réunissaient en vue de quitter le pays, l’on dispersa leurs attroupemens avec de la cavalerie. Çà et là les sectaires tentèrent de résister. A Amsterdam, voyant qu’on empêchait leur départ, ils se répandirent dans la ville en poussant des clameurs analogues à celles qui avaient dans Münster donné le signal du soulèvement : « Malheur! malheur! bénies soient par Dieu les nouvelles mœurs! malédiction sur les anciennes! » Sur divers points pourtant, les anabaptistes réussirent à échapper aux vexations qu’ils s’étaient attirées, et le gouvernement de la maison d’Autriche, celui des ducs de Gueldres et de Clèves, ne purent intercepter les relations de Münster avec les Pays-Bas, ni arrêter les émissaires qui se rendaient journellement de la ville assiégée en cette contrée, et réciproquement. D’ailleurs jusqu’en janvier 1535, l’investissement effectué par les troupes épiscopales ne fut que très imparfait; les secours d’hommes, de vivres et d’argent continuèrent d’affluer dans Münster. La convention du 14 février 1533 se