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teignent pas. Pareilles théories ne sauraient être celles d’aucun membre de la majorité conservatrice, d’aucun bon Français. M. Ernest Duvergier de Hauranne savait mieux que personne que nous sommes un de ceux qui de tout temps les ont le plus hautement répudiées. Comment expliquer alors qu’il nous les ait attribuées ? C’est ce que nous ne nous chargerons pas de faire ; nous laissons ce soin au public.

J’espère, monsieur, que, dans votre impartialité, vous voudrez bien reproduire cette lettre.

Agréez l’expression de ma considération très distinguée.

Marquis de CASTELLANE, membre de l’Assemblée nationale.


De son côté, M. Duvergier de Hauranne nous adresse la lettre suivante en réponse à M. le marquis de Castellane :


Ragatz (Suisse), 23 août 1872.

Monsieur,

Le moment serait mal choisi pour se livrer à des récriminations. Le pays jouit avec une satisfaction bien naturelle de la trêve inespérée qui vient de se produire entre les partis. Je ne veux donc pas ranimer d’anciens débats en relevant et en réfutant une à une les assertions de mon collègue et ami M. le marquis de Castellane. J’y ai d’ailleurs répondu d’avance par la publication même qu’il me fait l’honneur de discuter.

Je tiens seulement à constater deux choses : la première, c’est que je me suis trompé sur les désirs de M. de Castellane en attribuant à ses paroles le sens qu’elles paraissaient avoir. Nous savons maintenant qu’en fondant ses calculs sur les « actes de violence du parti radical, » M. de Castellane n’entendait pas pousser les choses jusqu’à la guerre civile. Il est acquis également qu’en conseillant à l’assemblée de faire dans le plus bref délai possible une constitution applicable indifféremment à la monarchie ou à la république, il ne voulait en aucune façon préparer l’avènement plus ou moins déguisé de la monarchie. Enfin il est entendu que je me suis trompé en confondant la droite de l’assemblée avec la « majorité conservatrice, » celle qui, suivant les paroles de M. Thiers, se révèle par les votes. La droite et la majorité sont deux choses distinctes ; je m’en étais toujours douté, et rien ne saurait me faire plus de plaisir qu’un tel aveu dans la bouche de M. de Castellane.

Le second point sur lequel je désire appeler votre attention est d’une importance beaucoup plus grande. Je veux parler de l’heureux changement qui s’est accompli depuis quelques semaines dans l’attitude de ceux qui passaient jusqu’à ce jour pour les adversaires du gouvernement actuel. Il y a deux mois, vous vous en souvenez, ces hommes d’état se