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ans encore, ou s’il aura un successeur, et dès ce moment toutes les passions s’agitent, tous les partis se préparent à la lutte. Le mouvement électoral a même commencé depuis quelques mois déjà, et de jour en jour il prend un caractère plus ardent, plus tranché, sans laisser entrevoir ce qui sortira de ce nouveau scrutin. Toujours est-il que, si le président actuel obtient la confirmation de son pouvoir dans l’élection du 5 novembre, ce ne sera pas sans difficulté et sans combat. Sa candidature d’aujourd’hui, tout en gardant les plus sérieuses chances, ne se présente plus évidemment dans les conditions exceptionnelles et favorables où sa première candidature triomphait si aisément. Il y a cinq ans, le général Grant était presque naturellement désigné : il avait la popularité du soldat sans être trop connu comme politique ; on voyait en lui le vainqueur de Richmond, le pacificateur de la grande république. Son élection était en quelque sorte la sanction de la victoire qu’on venait de remporter sur l’insurrection du sud et comme le dernier mot de la guerre de la sécession. Le parti républicain, rallié à son nom, constatait sans effort sa prépondérance en face des démocrates battus, désorganisés, même privés du droit de vote. C’était une situation exceptionnelle ; aujourd’hui tout est changé. Le général Grant a donné sa mesure comme président, comme homme politique, par quatre ans de gouvernement, et durant ces quatre années qui viennent de s’écouler les partis ont eu le temps de se reconnaître, les vaincus ont commencé à se relever, les vainqueurs se sont divisés, les opinions et les intérêts se sont modifiés ; de là l’importance de l’élection qui se prépare.

La présidence du général Grant, pour tout dire, n’a peut-être point entièrement répondu aux espérances qu’elle avait éveillées, elle n’a pas tenu tout ce qu’elle promettait. Ceux qui se sont associés à l’administration actuelle, qui la soutiennent encore et lui restent fidèles dans la lutte électorale, peuvent sans doute se prévaloir toujours des services rendus par le président ; ils peuvent lui faire honneur de la reconstitution graduelle de l’Union, de l’affermissement de la paix, de l’abolition définitive de l’esclavage, de l’extinction croissante de la dette nationale. Ce n’en est pas moins là justement la question de savoir dans quelle mesure, à quel prix cette œuvre a été accomplie, et sur ce terrain la division s’est mise dans le parti dont l’union assurait si complètement, il y a quatre ans, le succès du général Grant. Que les griefs personnels, les ambitions déçues, les vanités impatientes jouent un certain rôle dans ces divisions et aient fait des ennemis à l’administration, ce n’est pas douteux ; quoi qu’il en soit, le parti républicain s’est démembré, et il s’est formé récemment un parti sous le nom de républicains libéraux. Ce groupe nouveau existe maintenant ; il a son drapeau, son mot d’ordre, ses chefs, comme il a ses griefs. Ce qu’on reproche à l’administration du général Grant, c’est de prolonger trop longtemps les souvenirs de la guerre ci-